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Une Poupee Pleine Aux As

Section Test.


Sortie JAP non communiquée
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The Dame Was Loaded
??/??/1995
Edité par Philips
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Une Poupée Pleine aux As
??/??/1996
Edité par Philips
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Console: PC
Genre:Aventure
Développeur: Beam Software
Joueurs: Solo uniquement
Une exclusivité PC

Photo de la boite de Une Poupee Pleine Aux As
Une Poupee Pleine Aux As, capture d'écran Une Poupee Pleine Aux As, capture d'écran Une Poupee Pleine Aux As, capture d'écran
Pendant plusieurs décennies, le film noir a fait le bonheur des cinéphiles de toutes nationalités. Ce genre particulier, initié pour beaucoup par Le Faucon Maltais en 1941, a connu son âge d'or dans les années cinquante pour ensuite être oublié pendant une vingtaine d'année. Pour les plus jeunes d'entre nous, difficile de ne associer le genre à des longs métrages plus récents comme L.A. Confidential, petit chef d’œuvre tiré d'un roman de James Ellroy, ou le Dahlia Noir (lui aussi inspiré d'un livre du même auteur) qui représente à mon sens l'exemple le plus récent de film noir au sens le plus strict du terme.

Une telle popularité ne pouvait laisser indifférents les éditeurs de jeux vidéo, qui surent au fil des ans offrir aux joueurs de véritables pépites vidéoludiques exploitant de manière plus ou moins évidente cet univers si particulier. Nous pourrions citer, à titre d'exemple, Grim Fandango, jeu de Lucas Arts sorti à l'aube des années 2000 et reprenant les poncifs du genre pour les adapter à une intrigue surnaturelle, voire même Sam & Max du même éditeur qui malgré sa dimension fortement parodique ne reniait aucunement cette influence. Plus récemment, Max Payne et L.A. Noire s'imposèrent, respectivement en 2001 et 2011, comme de bien beaux représentants de cette ambiance lugubre caractéristique du genre.

Arrêtons là cette énumération ayant pour seul but de vous faire prendre conscience de l'importance de cette influence sur le jeu vidéo dans son ensemble. Le soft qui nous intéresse aujourd'hui est certainement l'un des titres les plus fidèles à toutes les caractéristiques du film noir. Développé par Beam Software, The Dame Was Loaded sort aux États-Unis dans le courant de l'année 1995 sur PC CD-ROM. Le succès fut visiblement au rendez-vous puisque le titre s'exporta un an plus tard sur le vieux continent, débarquant même dans l'hexagone sous le nom d'Une Poupée Pleine aux As. Embarquons donc ensemble sans plus attendre dans cette enquête qui ne nous laissera pas indemnes...


Scott Anger, détective privé

Qu'il va être difficile de ne pas tomber dans l'énumération systématique des caractéristiques empruntées au film noir et présentes dans le bébé de Beam Software ! C'est un fait, celui-ci les cumule, à commencer par son scénario qui aurait tout aussi bien pu faire l'objet d'un roman ou d'un long métrage. L'action prend place dans les années 40, en plein cœur de Los Angeles. Vous incarnez Scott Anger, un détective privé sans le sou, vêtu d'un imperméable hors d'âge et d'un fedora du même acabit. Suite à la mort de son âme sœur, une chanteuse de cabaret, celui-ci a sombré dans l'alcoolisme et peinait à remonter la pente. Son salut vint d'une rencontre impromptue, lorsque la belle Carol Klein poussa la porte de son bureau miteux afin de lui confier la tâche de retrouver son frère Dan, disparu depuis bientôt deux mois. Cette enquête d'apparence banale devra être menée en trois jours, Scott ayant un autre contrat l'attendant au terme de ce délai. Chemin faisant, le limier finira pourtant par s'apercevoir que les apparences sont parfois trompeuses, et qu'il a mis les mains dans une affaire aux ramifications bien plus complexes qu'une simple disparition, mêlant meurtres, arnaques, trahisons et intrigues aussi diverses que lugubres. Sachez que je ne résiste qu'à grande peine à la tentation de vous en révéler plus, mais il serait injuste de ma part de vous priver de ce plaisir de la découverte qui représente l'une des plus grande forces du titre.

Plongée dans un véritable film noir

Au service de ce scénario des plus fouillés, nous retrouvons une réalisation d'excellente facture, garante d'une atmosphère tout aussi fantastique. L'intégralité du jeu est une savante symbiose entre des photographies avec personnages incrustés, et des séquences cinématiques octroyant à l'ensemble une dimension très cinématographique. Bien évidemment, les développeurs ont eu recours à de véritables acteurs afin de camper la grande variété de personnages rencontrés, et force est de reconnaître que ceux-ci ont pris leur rôle très au sérieux en livrant pour la plupart une performance artistique de tout premier ordre. Pêle-mêle, nous retrouverons le flic désabusé un brin paternaliste ayant fait du donut la base de son alimentation, le partenaire fainéant, la femme fatale, la serveuse aimable comme une porte de prison, le joueur de poker invétéré, le truand tiré à quatre épingles... Varié, le casting l'est assurément, mais la qualité de l'acting n'a aucunement été sacrifiée sur l'autel de cette diversité. La qualité purement visuelle pourra certes paraître quelque peu désuète en 2014, avec une résolution de 320x240 interdisant le jeu en full screen sur un écran de grande taille pour cause de pixellisation excessive, mais le rendu était tout bonnement bluffant vingt ans plus tôt !

Réussi visuellement, UPPAA l'est également sur le plan auditif. Le jeu d'acteur s'avère en effet tout aussi soigné en ce qui concerne les voix et chaque protagoniste a profité d'un doublage intégral dans la langue de Molière. Les plus perspicaces auront par ailleurs reconnu l'inimitable timbre de Richard Darbois, doubleur francophone officiel d'Harrison Ford, qui prête ici son grand charisme à Scott Anger tout au long de l'aventure. En bon héros de film noir, celui-ci est à tout moment cynique, blasé, et vous ravira par des répliques au vitriol, tant lors des dialogues que dans la simple description d'un nouveau lieu visité. C'est d'ailleurs par la voix off du protagoniste principal que vous suivrez l'avancement de l'histoire, celui-ci vous délivrant à moult reprises de précieux indices sur la voie à suivre, mais aussi les grandes lignes du passé des personnages. Bien évidemment, nombre de ces répliques auront une utilité tangible pour faire avancer l'enquête, mais ce constat ne sera aucunement systématique. « Le Palm Tree Motel : construit juste à côté d'un abribus. Il s'est jamais remis de la concurrence », « J'avais peur que Meg me salope la bouffe le coup suivant, puis j'me suis demandé si j'pourrais vraiment faire la différence... », ou encore « Le resto de Meg. Pas si mal que ça, si ce n'est que les clients ne parlent pas, que les serveurs sont odieux et que la bouffe est dégueulasse » ne sont que quelques exemples de ces savoureux petits commentaires « made in Scott Anger » ayant pour seul but de contribuer à la construction de cette ambiance pour laquelle rien n'a été laissé au hasard, comme en témoigne également la sélection de musiques à forte consonance Jazzy vous plongeant sans ménagement dans ce polar des années 40...

Un gameplay classique du jeu d'aventure

Il est cependant de notoriété publique qu'un jeu, aussi magnifique et soigné soit-il sur le plan de l'ambiance, ne peut en aucun cas contenter le joueur exigeant sans un gameplay à la hauteur. Là encore, UPPAA répond aux attentes avec brio. Nous sommes donc face à un jeu d'aventure dans la plus pure tradition du genre, avec une maniabilité de base empruntant quelques traits à la saga Myst. Comme souvent, c'est ici la souris qui est mise à contribution même si un mode clavier, bien peu intuitif, s'active automatiquement si aucun autre périphérique n'est branché. Le clic droit est dévolu aux interactions, tandis que le gauche permet d'examiner la cible. Un appui simultané sur les deux touches provoque l'apparition de l'inventaire. Une maniabilité des plus simples, donc. Cependant, il convient de ne pas confondre simplicité et paresse. Car malgré les apparences, UPPAA comporte une bonne dose de subtilités pour le moins savoureuses.

Tout d'abord, le curseur affiché à l'écran pourra changer de forme en fonction de l’interaction disponible. Au total, ce ne sont pas moins de sept icônes différentes que vous pourrez voir apparaître, vous permettant de réaliser un large éventail d'actions allant du simple déplacement du personnage, à l'utilisation de tel ou tel item. L'inventaire présente lui-aussi quelques spécificités intéressantes. Comme dans tout bon jeu d'aventure, une grande place est laissée à la collecte d'objets à utiliser ensuite au bon endroit pour résoudre une énigme. Stockés dans les immenses poches de Scott, ces éléments vous informeront eux aussi, une fois en main, sur les interactions qu'ils offrent par un changement d'apparence de leurs curseurs respectifs. Notons qu'il est à tout moment possible de se délester de quelques items, en les déposant dans le coffre de sa voiture, ou le tiroir de son bureau. Il faudra cependant être attentif à ne pas oublier un objet important, afin de ne pas perdre un temps précieux dans des déplacements inutiles, utilisant votre voiture et plus particulièrement la carte de la ville présente dans la boite à gants pour choisir la destination. Mais cela, nous aurons l'occasion d'y revenir.

L'inventaire donnera également accès au portefeuille de Scott, contenant de bien maigres économies. La gestion de l'argent revêtira une importance capitale, puisque vous devrez fréquemment glisser quelques billets ici et là, afin d'obtenir des informations vous permettant de faire progresser votre enquête. Pour cela, rien de plus simple : votre portefeuille vous donnera accès à trois billets -un, cinq et dix dollars- que vous devrez combiner pour atteindre la somme voulue en faisant l'appoint. Attention cependant car, comme tout bon détective privé qui se respecte, vous n'aurez en votre possession qu'un pécule extrêmement limité qui n'enregistrera aucune rentrée au cours de la partie, et qui se trouvera en outre amputé de cinquante dollars dès les premières secondes de jeu lorsque votre propriétaire viendra vous demander « gentiment » de payer le loyer. Une bonne gestion sera donc primordiale, afin de ne pas se retrouver bloqué sur une énigme pour cause de finances trop limitées. De même, certains PNJ n'accepteront de vous parler que si vous disputez une partie de poker en leur compagnie, avec tout ce que cela suppose quant à la baisse de l'argent en votre possession.

Soixante-douze heures pour résoudre l'affaire

UPPAA comporte donc une certaine notion de réalisme, servant de pierre angulaire au gameplay. En effet, à cette gestion du contenu de votre portefeuille, s'ajoutera une grande importance accordée au temps qui défilera en permanence en arrière plan. Nous l'avons mentionné plus haut, votre enquête devra être bouclée en trois jours seulement. Si vous ne parvenez pas à atteindre cet objectif, vous aurez droit à l'écran de game over, sans aucune possibilité de vous rattraper autre que de recharger la dernière sauvegarde, en espérant que l'erreur vous ayant empêché de tenir vos délais n'avait alors pas encore été commise. Vous devrez donc être très attentif au déroulement des événements, soigner vos déplacements en évitant les allers et retours inutiles, et surtout aller droit au but. Notons cependant qu'à un certain stade de l'aventure, vous vous verrez octroyer un délai supplémentaire afin de vous permettre de résoudre une enquête bien plus complexe qu'elle ne le paraissait de prime abord.

Cette gestion du temps va encore plus loin ! Contrairement à de nombreux jeux de cette époque, l'environnement n'est pas figé et vous devrez faire avec la fermeture de certains commerces la nuit, ou tout simplement l'absence de PNJ quittant leur domicile pour diverses raisons. Vous pourrez certes agir sur le temps via le menu, en avançant les aiguilles de votre montre, mais ce caractère imprévisible des différents protagonistes ne manquera pas de compliquer un peu plus encore vos investigations, et surtout la tenue de vos délais. Imprévisibles dans leurs déplacements, les PNJ le seront aussi par leurs comportements respectifs et vous devrez veiller à les caresser dans le sens du poil. Questionnez un agent de police avec un peu trop d'insistance, et il vous flanquera à la porte. Fouiller dans les affaires d'une femme pendant qu'elle s'absente quelques instants de la pièce aboutira au même résultat. Garder un minimum de sex-appeal sera également indispensable. Oubliez de vous raser le matin, et vous aurez droit à des remarques désobligeantes de vos interlocuteurs quant à votre hygiène. Vous vous retrouverez ainsi parfois bloqué, avec de nombreuses questions à poser à tel personnage, sans pouvoir le faire en raison de relations sociales dégradées. Généralement, revenir le lendemain rasé de frais aura laissé le temps au PNJ de cuver sa mauvaise humeur, mais encore une fois le temps ainsi perdu sera souvent fatal à la résolution de l'enquête.

Dans la peau d'un véritable détective privé

A ce stade du test, il serait facile de considérer Une Poupée Pleine Aux As comme un jeu difficile. Il convient cependant de préciser que la résolution des énigmes reste logique, au même titre que la progression. Pour vous aider, Scott notera tous les indices récoltés dans son carnet, consultable à tout moment au sein du menu. De même, les commentaires en voix off vous aideront beaucoup à mettre le doigt sur les informations les plus importantes. En somme, le fan de polar s'en sortira honorablement, puisqu'il parviendra à se glisser réellement dans la peau de son alter ego virtuel afin de faire progresser son enquête aisément, en interrogeant les différents protagonistes puis en suivant pas à pas les pistes délivrées par ces derniers. Toutefois, la contrainte de temps et l'importance des choix sur le déroulement de l'aventure sont deux facteurs à prendre en compte. De ce point de vue, le soft n'est pas des plus permissifs et vous pourrez très bien vous retrouver irrémédiablement bloqué à un point précis, à cause d'une décision prise plusieurs heures auparavant. Il sera donc vivement conseillé de réaliser des sauvegardes régulières, et surtout distinctes, afin de rattraper une éventuelle erreur de jugement sans avoir à recommencer la partie de zéro. Précisons d'ailleurs que le titre de Beam Software ne compte pas moins de neuf fins différentes, se déclenchant justement en fonction des choix opérés par le joueur. Car, est-il utile de le préciser, le soft ne vous impose aucun cheminement et vous laisse libre de mener vos investigations comme bon vous semble, vous laissant également en supporter les conséquences. Bien évidemment, une seule de ces fins pourra être qualifiée de « véritable », mais la volonté de découvrir chacun des dénouements, associée à celle de replonger dans cette ambiance hors du commun, ne manqueront pas d'octroyer à UPPAA une extraordinaire replay value...et par conséquent à propulser sa durée de vie vers des sommets rarement atteints dans un jeu d'aventure.

Conclusion

Réaliste, magnifique, prenant... Nombreux sont les adjectifs qui pourraient qualifier Une Poupée Pleine aux As. Non content d'être un excellent jeu d'aventure, il s'impose également comme un digne héritier du film noir en se basant sur un scénario solide, et des personnages parfaitement campés par des acteurs et des doubleurs de tout premier ordre. Avec le titre de Beam Software, vous vous retrouverez propulsé quelques heures durant au cœur d'un film policier, et sentirez presque l'odeur de vieux tabac de votre bureau miteux, ou l'étoffe abîmée de votre imperméable hors d'age sur vos épaules. Immersif, UPPAA saura vous donner envie de dénouer les fils d'une intrigue recherchée, voire de recommencer une partie simplement dans le but de découvrir les conséquences de choix différents. Un jeu culte, tout simplement.

Pour finir cet article, notons qu'une version pour la console CDi de chez Philips était prévue, le genre du jeu d'aventure étant la spécialité de cette plate-forme. Un ancien membre de l'équipe de développement déclara dans une interview que cette déclinaison était finalisée, mais que l'abandon du CDi par son constructeur conduisit à l'annulation pure et simple de celle-ci. Renseignements pris, il semblerait que la version Mac, elle aussi complète, suivit le même chemin, laissant le PC comme seul hôte de ce formidable jeu d'aventure.

Réalisation : 17/20
Gameplay : 16/20
Bande son : 19/20
Durée de vie : 16/20
Scénario : 18/20

VERDICT : 17/20


Article publié le 07/07/2014 Jeu testé par Manuwaza