Turtle Bridge

Section Test.

Quel est le point commun entre un aventurier, des tortues et des poissons? Apparemment aucun. Non, rassurez-vous, votre cher webmaster n'a pas bu un petit coup de trop avant d'écrire cet article, puisqu'il existe bel et bien un lien entre les trois éléments susnommés. Et ce lien est un Game & Watch répondant au doux nom de Turtle Bridge. Sorti au début de l'année 1982, ce jeu électronique appartenant à la collection Widescreen est il à la hauteur du génie de Gunpei Yokoi? Difficile de garder le suspense à ce sujet tant la popularité de ces petits appareil a fait le tour du monde. Turtle Bridge n'échappe pas à la règle...

Et si Indiana Jones ne savait pas nager?

Avant toute chose, il convient de lever le voile sur le mystère de l'introduction ci-dessus. Cette dernière n'était en fait ni plus ni moins qu'un (très) bref résumé de la « trame scénaristique » constituant le prétexte à l'action. Car oui, comme dans tout Game & Watch, vous aurez ici droit à une jolie mise en scène pour justifier les événements se déroulant à l'écran. Vous incarnez donc un courageux aventurier devant ramener sur le continent toutes les richesses découvertes sur une île déserte. Seulement voilà, n'est pas Indiana Jones qui veut! Ainsi, notre ami a omis de s'équiper d'une barque pour traverser l'étendue d'eau le séparant de son but. Pire encore : en bon aventurier d'opérette, cet amusant personnage ne sait même pas nager! Que faire devant de telles circonstances négatives? La solution est rapidement trouvée par le petit débrouillard qui regarde, l'œil espiègle, des tortues flottant paisiblement à la surface de l'eau. La seule solution consiste donc à utiliser ces ovipares comme un pont, pour faire des allers et retours sans tomber à l'eau. Vous l'aurez compris, le titre du jeu suffit à lui seul à exposer le gameplay du soft.

Une maniabilité aux petits oignons

Parlons justement de cette maniabilité, aussi addictive qu'à l'accoutumée dans un Game & Watch. L'écran se divise donc en trois parties. A gauche, l'île aux richesses sur laquelle le personnage devra récupérer les différentes marchandises. A droite, le continent sur lequel vous attendra votre assistant afin de vous délester de vos précieuses trouvailles. Enfin, toute la partie centrale de l'écran reste dévolue au « pont » formé par cinq tortues. Le but est donc de mouvoir le personnage via les deux touches de direction placées de part et d'autre de l'écran, afin d'effectuer le plus possible d'allers et retours entre les deux points. Jusqu'ici, l'entreprise semble à la portée du premier venu. Seulement voilà, un certain nombre d'éléments perturbateurs vont tout faire pour vous empêcher d'arriver à vos fins...

Quand une tortue a faim, c'est pas bon pour les affaires!

Le plus redoutable adversaire auquel vous aurez affaire sera sans conteste la faim des tortues. En effet, ces dernières n'hésiteront pas à plonger sans prévenir dès lors qu'un poisson passera à leur portée. Éviter la noyade passera donc par une surveillance perpétuelle des mouvements sous-marins, afin d'anticiper au mieux la plongée des tortues et d'éviter un indésirable plongeon. Bien entendu, plus la partie avancera, plus le nombre de poissons à se balader sous l'eau sera élevé, rendant la progression de plus en plus difficile et nécessitant parfois de nombreux retours en arrière avant d'enfin pouvoir atteindre la berge opposée. Pour ne rien arranger, le personnage réceptionnant les richesses si durement acheminées aura une fâcheuse tendance à s'absenter régulièrement sans prévenir, vous empêchant du même coup de vous décharger de votre lourd fardeau. Il ne sera ainsi pas rare que vous soyez forcé de revenir tout à gauche afin d'éviter la noyade, tout cela parce que ce fainéant d'assistant aura décidé de prendre une pause tout sauf méritée au plus mauvais des moments. Réussir à progresser dans le jeu nécessitera donc d'excellents réflexes, une grande rigueur dans le timing et surtout une écoute attentive des bips produits par le Game & Watch qui seront, une fois encore, d'un grand secours pour appuyer sur les touches au moment opportun.

Baignade obligatoire!

Quelques petites failles dans le redoutable plan de la friture pour vous envoyer à la baille seront cependant exploitables. D'une part, vous remarquerez rapidement que, dans le Game A, la troisième tortue ne plonge quasiment jamais (sauf si le personnage reste trop longtemps sur son dos), permettant ainsi d'attendre de précieuses secondes que la voie soit libre. D'autre part, il sera cependant possible d'obtenir un semblant de pause en restant sur la berge gauche durant quelques secondes. Une fois ce délai écoulé, le joueur sera cependant d'office replacé sur la première tortue, qu'elle soit à la surface ou non...et ce sans aucune possibilité d'atteindre de nouveau ce havre de paix sans avoir au préalable déposé le colis de l'autre côté de l'étendue d'eau. Si le challenge décrit ci-dessus, correspondant au Game A, est déjà colossal au bout de quelques minutes de jeu, il devient carrément dantesque dès lors que l'on opte pour le Game B. Dans ce mode de jeu d'une difficulté supérieure, la tortue du milieu ne profite d'aucun traitement de faveur et ce dilettante d'assistant est encore plus dissipé qu'à l'accoutumée. Dans ces conditions, il deviendra encore plus corsé pour le malheureux joueur de transporter sa marchandise, avec ce mode de jeu nécessitant des réflexes autrement plus extrêmes. Bref, vous l'aurez compris, l'univers tout entier semblera s'être donné le mot pour vous empêcher de parvenir à vos fins. N'est ce pas là le principe de base d'un bon jeu vidéo?

Un Game & Watch novateur

Au delà de ses atouts purement ludiques, Turtle Bridge se distinguait à l'époque de sa sortie en apportant deux nouveautés de taille par rapport aux autres Game & Watch. D'une part, le comptage des points était radicalement différent de ce que l'on avait pu voir jusqu'alors puisque l'augmentation de ces derniers était directement tributaire du temps passé à faire la traversée : plus cette dernière est rapide, plus le score augmente rapidement. D'autre part, Turtle Bridge marqua l'apparition du bonus d'invincibilité. En effet, une fois un certain capital de points atteint, le joueur profite d'un court laps de temps de quelques dizaines de secondes durant lequel les tortues cessent de plonger...une bonne occasion pour amasser un maximum de points sans aucun risque. Cette caractéristique du jeu donnera naissance, bien des années plus tard, à la fameuse étoile d'invincibilité présente de nos jours dans tous les jeux Mario (concept d'ailleurs repris par de nombreuses autres firmes, Sega en tête avec Sonic!).

Conclusion

Paradoxalement, Turtle Bridge n'a rencontré qu'un succès des plus limités en comparaison de la plupart des autres Game & Watch. Gunpei Yokoi ne tarissait pourtant pas d'éloge sur son bébé, qu'il trouvait bien plus abouti ludiquement parlant qu'un certain Donkey Kong dont il n'était pas entièrement satisfait. Le public n'a visiblement pas été du même avis, même si le demi-million d'unités vendues serait susceptible de faire pâlir d'envie nombre d'éditeurs actuels. Une fois que l'on fait abstraction des statistiques, on prend un plaisir monstre en jouant à cet excellent Game & Watch, qui mérite largement sa place dans la ludothèque de tout bon collectionneur Nintendo qui se respecte... et c'est bien là le principal!

Réalisation : 19/20
Gameplay : 18/20
Bande son : 18/20
Durée de vie : 18/20
Scénario : -

VERDICT : 18/20

NB : pour des raisons techniques, les screens sont tirés de la version Game Boy du jeu, contenue dans la compilation Game & Watch Gallery 3.

Article publié le 24/11/2012 Jeu testé par Manuwaza