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The King of Kong



Un article de
Icarus

Si aujourd’hui les croisements entre cinéma et jeu vidéo prennent le plus souvent, dans un sens, la forme d’un film tiré d’un jeu ou, dans l’autre sens, celle d’un film interactif, quelques œuvres cinématographiques abordent une tout autre façon pour traiter du monde vidéoludique. C’est le cas de The King of Kong qui se présente comme un reportage et qui nous présente une partie de l’Histoire du jeu vidéo. Ce film, sorti en 2007, n’a connu qu’un petit succès commercial, mais jouit aujourd’hui, six ans après sa sortie, d’un succès d’estime phénoménal dans la communauté des gamers et encore plus dans celle du retrogaming. Pourquoi me direz-vous ? Parce que The King of Kong nous présente ce qu’est l’une des visions du retrogaming, il nous prouve aussi que les rivalités existent aussi dans notre milieu et que ça ne concerne pas que Sega et Nintendo mais bien des hommes réels avec des cheveux longs, un bouc et une cravate. Car oui, le jeu vidéo est un jeu et comme dans tout jeu dans les sociétés occidentales, il faut un gagnant. Présentation d’un film à voir. Absolument.


Le diable s’habille en Prada et rentre sa chemise dans son pantalon

Traitement un peu spécial, je vais d’abord vous présenter les personnages du film avant de vous en conter l’histoire. La raison en est simple, les hommes à l’écran sont tellement singuliers que ce sont eux qui font l’histoire et non l’inverse. Avant toute chose, The King of Kong est réellement un documentaire, les personnages que l’on y voit ne sont pas des acteurs, ils n’ont rien de fictif, même si leurs personnalités respectives peuvent parfois paraître extrêmement caricaturales. D’abord, la séquence s’ouvre sur un certain Billy Mitchell qui commence à philosopher à fond sur ce qu’est pour lui la victoire et le culte du gagnant… Ah pardon, vous ne connaissiez pas Billy Mitchell, à vrai dire moi non plus, mais regardez ce film et je vous promets que vous retiendrez ce nom pour toujours. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons, plus ou moins positives. Pour le positif, sachez que notre homme est un grand nom du jeu vidéo alors qu’il n’a rien créé, qu’il n’est pas un grand game designer mais bien parce que c’est un champion. Billy détient en effet des records sur de nombreux hits d’arcade de l’époque pré-crash de 1983. Il a été le premier homme à réaliser un score parfait à Pac-Man avec 3 333 360 points affichés au tableau final, a longtemps détenu le meilleur score sur Donkey Kong Jr avec 957 300 points, a obtenu un score de 7 881 050 points sur Burger Time en 1984 et détient encore le record jamais dépassé sur Centipede avec un score supérieur à dix millions de points. Oui, je vous vois venir, vous pauvres mortels qui n’arrivez pas à passer plus de cinq minutes sur ces jeux sans devoir remettre une pièce dans le monnayeur, Billy Mitchell est sans doute un dieu pour vous, d’autant plus qu’il a été élu meilleur joueur du vingtième siècle au Tokyo Game Show de 1999 où il a montré à tout le monde qu’il était encore le meilleur en faisant son score parfait sur Pac-Man et arrivant jusqu’au Bug du deux cent cinquante sixième niveau. Pour ce qui est des exploits, il a aussi longtemps détenu le record mondial sur la borne de Donkey Kong, fierté de Billy qu’aborde le film de Seth Gordon.

Pour son côté moins appréciable, le film vous montrera un Billy Mitchell qui a réussi dans la vente de sauces épicées, arborant un look à la Walker Texas Ranger, puant le patriotisme à l’extrême. Avec sa nuque longue (très longue), sa barbe proprement taillée, ses chemises rentrées dans le pantalon et ses cravates ornées du drapeau à cinquante étoiles, notre homme a tout d’une caricature. Le truc, c’est qu’il est authentique et ça fait vraiment peur (je vous rappelle qu’il ne s’agit pas d’un acteur). Il le clame haut et fort, c’est lui le meilleur et si un jour un type devient meilleur que lui, c’est un message divin qui lui dit que Billy doit aller l’écraser. D’ailleurs vous connaissez sa devise ? Elle tient en trois lettres : U.S.A. Quand je vous dis que vous ne pourrez jamais oublier cet homme manipulateur, calculateur, orgueilleux, mégalomane, mal coiffé… C’est que je n’ai moi-même jamais pu oublier ce nom.


Une flopée de héros de l’ombre

En plus du personnage de Billy Mitchell, qui pourrait mériter un film à lui tout seul, d’autres tout aussi intéressants font leur apparition. Commençons par Steve Sanders le menteur qui osa clamer en 1982 qu’il était le meilleur à Donkey Kong. Billy Mitchell, alors âgé de 17 ans et n’y ayant pas cru, décida de prouver que le meilleur, c’était lui et personne d’autre en défiant Steve en public. Ce dernier essuya une cuisante défaite et Billy lui apprit l’humilité. On revoit ici Steve, quadragénaire qui ne s’est jamais vraiment remis de cette humiliation et continue son chemin dans l’ombre de son bourreau.

Walter Day est aussi de la partie avec sa tenue d’arbitre de Base-ball. Ce mec, c’est le gérant de Twin Galaxies, une entreprise reconnue depuis le début des eighties pour enregistrer et officialiser tous les records du jeu vidéo, qui a ouvert un temple de relaxation et qui aime jouer de la guitare folk en doudoune par des températures négatives.

Le film nous présente aussi le fou Roy « Mr Awesome » Schildt, mégalomane au possible, vivant, vingt cinq ans plus tard, dans une espèce d’illusion de sa gloire passée alors qu’il a inscrit le meilleur score sur Missile Command. Cet homme conduisant sa Awesome Mobile, en veut toujours à Billy et à Twin Galaxies pour avoir essayé de lui invalider son record. Car oui, en tant que grand parmi les grands, Billy fait partie du staff de la société et a son mot à dire pour chaque validation.

On rencontre d’autres personnages plus secondaires mais tout aussi hauts en couleur comme le champion de Mappy, le second de Billy Mitchell ou encore Doris Self, une octogénaire championne de Q-Bert à qui le film est dédié.

Franchement, The King of Kong nous présente des personnages qui pourraient prêter à rire s’ils n’étaient pas tous animés par leur passion et ce depuis quasiment trente années. Entre extravagance et course à la reconnaissance, le film nous livre ici un portrait d’individus atypiques et attachants, vivant leur passion à l’extrême.

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Here comes a new Challenger

La première partie de la pellicule se termine sur la présentation de Steve Wiebe, le gentil du film. Aujourd’hui professeur de chimie dans une petite école de l’état de Washington, Steve est une personne excessivement normale comparée à Billy Mitchell. Décrit comme un homme talentueux, il est ce que l’on peut qualifier d’éternel second. Un jour, il ressort sa vieille borne de Donkey Kong et se dit qu’il en a marre, qu’il ne restera pas deuxième toute sa vie et qu’il peut battre le record de Billy. Il s’entraîne dur, très dur et finit par filmer une performance qu’il envoie à Twin Galaxies, une performance qui fait tomber le score du grand antipathique qu’est Billy. Malheureusement, par un concours de circonstances et de fourberies, ce score est invalidé et Steve décide de quitter son garage pour se rendre à la salle de Fun Spot afin de réaliser sa performance en live, devant les plus grands geeks de l’histoire de l’arcade et les juges de Twin Galaxies. Steve est clairement le bon côté de la Force de ce King of Kong, père de famille aimant, fin pédagogue, il se retrouve pris presque malgré lui dans un engrenage d’événements qui le conduiront à travers les États-Unis pour arriver à s’affirmer, pour montrer qu’il n’est pas qu’un éternel perdant et qu’il peut aussi tenir le haut de l’affiche. Clairement, ce personnage est totalement à l’opposé de Billy Mitchell, il ne calcule pas, il n’a aucune once de fourberie en lui, il joue par passion et pas seulement pour affirmer qu’il est le meilleur. J’ai l’impression que pour lui, le jeu est une passion et que le fait d’être premier est un objectif qui lui permet de vivre cette passion alors que pour Billy, le jeu ne semble être qu’un simple outil pour montrer qu’il est le meilleur et qu’il a la plus grosse au monde entier. J’avoue que ce côté manichéen donne au reportage une connotation moins authentique même si tous les faits sont d’une véracité sans contestation possible.


Jeux vidéo et coups en traître

C’est ici que je suis censé vous parler du scénario du film, ou plutôt du déroulement du documentaire. Malgré tout, ce serait vous gâcher le plaisir que de le faire, tant découvrir les fourberies de Billy Mitchell et les bonnes intentions de Steve Wiebe par soi même est gratifiant. Pour vous donner envie, je ne vous cache tout de même pas que, durant cette heure et demi, vous verrez de nombreux retournements de situation provoqués par un roi qui veut défendre son trône coûte que coûte. Je vous parlais tout à l’heure du côté bizarre de certains personnages qui peut sembler romancé sur le papier mais regardez le film plutôt que de vous en tenir à cette critique et vous vous rendrez compte que ceux-ci débordent d’authenticité et qu’aucun d’entre eux n’aurait pu sortir de l’imaginaire d’un scénariste tant ils font partie d’un tout, d’une énorme quête pour leur reconnaissance.


Des hommes animés par une passion

Car oui, ce qui fait de ce documentaire une raison suffisante pour que vous lui accordiez une heure et demi de votre temps, c’est bien le fait qu’il filme les événements avec un regard assez inattendu. J’ai récemment vu un reportage diffusé sur une chaîne française et qui nous montrait un collectionneur de Montpellier (je crois) qui exposait ses biens. Malheureusement, je trouve que l’homme était dépeint plus comme un grand gamin qui refuse de grandir et reste enfermé dans une certaine époque derrière ses SNES et Megadrive que comme un homme qui vit sa passion à fond. Cette image de grand benêt un peu attardé colle pas mal à la peau de beaucoup de retrogamers (voyez la vision que peut avoir votre entourage de vous) et il est donc facile de traiter le sujet de la sorte.

Au contraire, King of Kong nous dépeint le portrait d’hommes animés par la passion du jeu vidéo et par la course au meilleur score, soutenus par femmes et enfants lors de leurs déplacements dans des événements réservés à un petit cercle de héros méconnus. Ce sont des hommes qui ont une vie à côté, qui sont de bons pères de famille ou chefs d’entreprise, des hommes avec leurs forces et leurs faiblesses, filmés avec émotion et l’on finit vraiment par s’attacher à eux. Les spectateurs que nous sommes se retrouvent pris d’une réelle empathie pour ceux-ci et à aucun moment, le cinéaste ne se permet d’être jugeant. On nous montre des joueurs qui sont là pour jouer, qui connaissent leur jeu sur le bout des doigts, de vrais compétiteurs qui s’entraînent dur, qui ne prennent pas le jeu vidéo comme un simple passe temps et qui ne reçoivent aucune compensation financière pour leurs exploits, bien loin des reportages qu’on peut actuellement voir sur les joueurs professionnels.

Mention spéciale pour les personnages de Billy et Steve qui nous montrent bien que le jeu vidéo a son histoire et que, comme dans toute histoire, il y a des gentils et des méchants.

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A voir ou je tue le chien

King of Kong, vous l’avez compris, est un documentaire que je vous recommande à 200%. J’ai pris le parti de ne pas trop vous en révéler sur son histoire car il faut absolument que vous vous en fassiez votre propre idée. Mais je peux vous garantir que tout bon retrogamer doit voir ce film pour le traitement qu’il a du sujet, un traitement sans parti pris qui décide de nous montrer les joueurs tels qu’ils sont, sans aucun jugement. Un film qui n’est d’ailleurs pas réservé qu’à notre simple petite communauté mais qui pourrait sans doute plaire au grand public.

Pour la petite histoire, sachez que dans les années qui suivirent le film, Billy Mitchell perdit une partie de ses records et que certains sont aujourd’hui détenus par un personnage que je vous ai décrit dans cet article.


Article publié le 17/11/2013


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Les commentaires pour cet article avant le 23 février 2014



Posté par SLAINE le 10/12/2013

super article effectivement. Je ne connaissais pas du tout ce film et je vais m'empresser d'aller voir cette curiosité ...
Merci à toi

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Posté par Icarus le 19/11/2013

Merci mon bon tanuki, je me doutais bien que tu réagirais à cet article qui m'a procuré beaucoup de plaisir

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Posté par Tanuki le 19/11/2013

Très bon article! Je t'encourage à en faire plus des comme ça! J'adore ce genre de textes informatifs et historiques ;)

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