Street Fighter : Assassin's Fist

Un article de Manuwaza


Cet article est en rapport avec la saga Street Fighter

C'est un fait, Street Fighter et cinéma n'ont jamais vraiment fait bon ménage. Dès 1994, le réalisateur Steven de Souza nous offrait une adaptation cinématographique avec Jean Claude Van Damme dans le rôle titre, pour un résultat plus savoureux pour son second degré que pour ses qualités intrinsèques. Plus récemment, nous avions droit à La Légende de Chun-Li, pas meilleur que son prédécesseur mais ayant en prime perdu cet aspect kitsch et humoristique qui avait limité la casse pour son grand frère. Votre serviteur, fan de la saga vidéoludique devant l'éternel, avait tout logiquement perdu tout espoir de découvrir un jour une adaptation potable, à l'exception de quelques dessins animés d'excellente facture. Puis, il y a quelques jours, je suis tombé totalement par hasard sur un lien internet m'ayant redirigé vers le streaming d'un certain Street Fighter : Assassin's Fist. Sans grandes illusions, ma curiosité m'a poussé à bloquer une heure quarante de mon temps pour visionner cette œuvre. Verdict.


Tout d'abord, un bref historique s'impose. La genèse du projet prend place dans le courant de l'année 2010, lorsqu'un certain Joey Ansah (pour la petite histoire, le monsieur s'est distingué en affrontant Jason Bourne dans une scène d'action de La Vengeance dans la Peau) conçut une brève vidéo d'à peine plus de trois minutes montrant un combat entre Ryu et Ken, deux combattants indéboulonnables de la saga. Bien qu'assez courte, cette vidéo fut massivement visionnée sur Youtube jusqu'à dépasser, à l'heure où j'écris ces lignes, les cinq millions de vues ! Sans comporter de véritable scénario, elle se distinguait par une chorégraphie plutôt fidèle au jeu vidéo originel.


Street Fighter Legacy

Les retombées furent inattendues, puisque Capcom annonça deux ans plus tard avoir accordé à Ansah les droits pour l'exploitation de la licence Street Fighter. C'est donc en accord avec le créateur du jeu que celui-ci lança une campagne de financement participatif, qui aboutit en 2014 à la création d'une web série composée d'une douzaine d'épisodes de dix minutes chacun, pour finalement être compilée dans un long métrage d'une heure et quarante minutes. C'est celui-ci qui nous intéresse aujourd'hui...

 

Assassin's Fist pourrait être considéré comme une adaptation de la période « Zero » (Alpha en occident). L'histoire prend place au Japon, et s'axe sur l'apprentissage de Ryu et Ken, étudiant l'Ankatsuken auprès de leur maître Gouken. Au travers de flashbacks très bien intégrés, il est également proposé de découvrir en parallèle la formation de ce dernier en compagnie de son frère Gouki, en compagnie de Gotetsu. Gouki, en proie à une soif de pouvoir dévorante, ne va pas tarder à étudier en secret le Satsui no Hado, une variante de l'Ankatsuken beaucoup plus éprouvante tant pour l'esprit que pour le corps. De cette décision, vont naître des tensions qui aboutiront à un drame ayant façonné Gouken et son frère pour le reste de leur vie.

Ce qui caractérise avant tout Assassin's Fist, tout en le distinguant de ses prédécesseurs, c'est sa fidélité envers l’œuvre d'origine. Tout est ici respecté à la lettre ! Chaque personnage est doté de la personnalité qu'on lui connaît, avec notamment un Ken charmeur impulsif et impatient, et un Gouki déclenchant un irrésistible frisson à chacune de ses apparitions. Les acteurs sont par ailleurs physiquement très proches des personnages qu'ils incarnent, même si l'on notera, au rang des bémols, une certaine différence de musculature entre les deux protagonistes principaux loin d'être évidente dans tous les jeux où ils apparaissent. Cette volonté de suivre au mieux l'univers Street Fighter va même jusqu'à voir Ken changer de coiffure à la toute fin du film, collant ainsi avec les modifications visuelles intervenues entre Street Fighter II et Street Fighter Zero. De même, l'obtention de son bandeau rouge et de sa ceinture par Ryu est ici pleinement justifiée. Le souci du détail va jusqu'à alterner entre des dialogues en japonais et en français (ou anglais, selon la version visionnée), avec en prime un doublage loin d'être ridicule dans la langue de molière.

Mais la grande force du film de Joey Ansah réside incontestablement dans ses combats. A l'instar du reste du film, tout a ici été placé sous le signe d'un profond respect du jeu vidéo, tant dans les postures que dans tous les coups portés. Un simple coup de poing, de pied, ou même une chope s'avère être la réplique exacte de la gestuelle du jeu vidéo, et ne parlons pas des coups spéciaux, du Hado-Ken, au Shoryu-Ken, admirablement reproduits en utilisant des effets spéciaux certes assez minimalistes mais systématiquement utilisés à bon escient. Les bruitages ne sont pas en reste, et font montre d'une efficacité redoutable pour retranscrire la violence des affrontements. Enfin, comment ne pas évoquer les musiques ? La plupart, inédites, furent composées par Patrick Gill, et rythment l'action de manière admirable. Les fans du jeu vidéo retrouveront en outre les thèmes de Ryu et Ken, remaniés pour l'occasion et provoquant presque une irrésistible envie de saisir son pad pour diriger les deux protagonistes présents à l'écran.


Addendum : DVD et version longue

Le 15 avril 2015, fut enfin commercialisé cette fantastique Web série sur le vieux continent, sous la forme d'un double DVD. Le premier contient la version longue du film, comportant quarante-cinq minutes supplémentaires par rapport à la déclinaison originelle. Les ajouts, loin de n'être qu'anecdotiques, ont le mérite de rendre la narration plus soignée en octroyant plus de consistance au récit par l'ajout de scènes comme l'arrivée de Ken au dojo de Gouken et sa toute première rencontre « musclée » avec Ryu. S'y ajoutent également quelques références bienvenues à des personnages de l'univers Street Fighter, Gen, Dan et Sagat en tête. Après le générique de fin, les plus patients auront même droit à une première mention de l'organisation Shadaloo, prémices d'une suite attendue. Enfin, en tant que rétrogamer, comment rester de marbre devant ce joli clin d’œil où les deux compères disputent une partie de Megaman 2 sur NES ? La version longue d'Assassin's Fist apporte donc un réel plus tant à l'histoire qu'au fan service, le tout sans la moindre longueur préjudiciable à l'intérêt du spectateur.

Sur le second DVD, vous retrouverez une bonne dose de bonus vous exposant l'envers du décor au travers d'interviews et de quelques documents concernant les effets spéciaux et les chorégraphies des combats. Les scènes supprimées, quant à elles, représentent un intérêt moindre puisque la majeure partie est présente dans la version longue du premier disque. Enfin, ce DVD bonus contient également un peu de légèreté et d'humour avec un bêtisier, et surtout une section « Dans le monde de » mettant en scène Ryu et Ken s'essayant au rôle de cameraman pendant leur entraînement, s'attirant à cette occasion les foudres de leur maître ! D'une manière générale, ces bonus sont hélas un peu trop courts malgré la présence d'un commentaire audio du réalisateur. Par ailleurs, le packaging du DVD aurait mérité un peu plus de soin, celui-ci se résumant à un boîtier plastique enfiché dans un simple fourreau de carton souple assemblé avec une colle de mauvaise facture. Compte tenu de la qualité du contenu, dommage que le contenant n'ait pas bénéficié d'une finition plus aboutie.

 

Ne mâchons pas nos mots : Assassin's Fist est pour moi, à ce jour, l'adaptation filmique ultime de Street Fighter, et ce n'est donc pas un hasard si la web série a été plébiscitée par tous ceux ayant eu la chance de la visionner. Devant un tel succès, Capcom a annoncé cette année travailler de concert avec Joey Ansah sur une suite qui s'axerait quant à elle sur l'arc scénaristique dépeint par Street Fighter II. Ce second chapitre, prévu pour 2015, devrait compter son lot de personnages emblématiques en dépeignant notamment la lutte de Chin-Li et Guile contre l'organisation criminelle Shadaloo. Si le niveau de qualité reste identique, nul doute que le résultat sera à la hauteur. Si vous n'êtes pas encore convaincus, n'hésitez pas à visionner la bande annonce ci-dessous !

Article publié le 20/12/2014