[Rétrovalue]Crisis Core : Final Fantasy VII
Un soft digne de son ainé?
Un article en rapport avec la saga Final Fantasy

Un article de Manuwaza
Véritable phénomène de société dans le monde entier, Final Fantasy VII avait marqué son époque sous bien des aspects, en faisant découvrir le RPG à bon nombre de joueurs Européens jusqu'alors lésés par des sorties exclusives au Japon et à l'Amérique du nord. Avec ce septième épisode de sa saga phare, Squaresoft était parvenu à émerveiller toute une génération de gamers, en leur offrant une aventure basée sur un scénario tortueux et profond et un héros aussi taciturne que charismatique en la personne de Cloud Strife. On oublie cependant trop rapidement que dans l'ombre de ce protagoniste, se cache un autre héros à peine mentionné dans FFVII, un jeune homme du nom de Zack Fair dont la destinée tragique est tout juste effleurée dans la trame du soft, à l'occasion d'un passage narratif représentant l'un des plus gros rebondissements de l'aventure lorsque Cloud apprend que la majorité de ses souvenirs ne lui appartient pas. Pendant des années, le joueur ayant terminé FFVII restera interloqué par ce mystérieux membre du SOLDAT, désireux d'en apprendre plus sur sa personnalité et sa destinée. En 2007 au Japon, soit dix ans après, Square-Enix décide enfin d'offrir des réponses à ses fans en sortant Crisis Core : Final Fantasy VII, une préquelle se déroulant sept ans en amont des événements relatés dans le jeu originel. Portrait de ce chainon manquant, qui parvient à merveille à combler quelques trous laissés ça et là dans le scénario de FFVII... Est-il pour autant fidèle à ce dernier? Réponse à suivre...
Quand Cloud laisse la vedette à Zack...
La crainte de peiner à s'identifier à un nouveau héros lorsque l'on a pris l'habitude d'incarner Cloud une soixantaine d'heures durant est légitime. Que les plus sceptiques se rassurent, c'est avec un plaisir non dissimulé que l'on découvre l'hyperactif Zack dès les premières minutes de jeu, un protagoniste jovial et optimiste à mille lieues du blondinet aux cheveux en pétard. Les événements ici relatés prennent donc place sept ans avant l'attaque du réacteur Mako de Midgar par Avalanche. La Shinra est alors au faîte de son pouvoir. Seul le Wutaï, province de fiers Ninjas, résiste encore autant que faire se peut aux assauts répétés de l'armée visant à s'adjoindre les réserves de Mako de ce continent. Afin de mettre un terme à ce conflit qui n'a que trop causé de tort à la population, le Directeur Lazard, patron de la multinationale, décide d'envoyer sur les lieux deux valeureux guerriers membres du corps d'élite des forces armées : le SOLDAT. C'est ainsi que Zack Fair et son mentor Angeal Hewley se retrouvent en première ligne, avec pour mission secondaire d'enquêter sur la mystérieuse disparition de Genesis, lui aussi membre éminent du SOLDAT et accessoirement ami de longue date d'Angeal. Cependant, rien ne va se passer comme prévu : Angeal disparaît mystérieusement, laissant Zack seul avec ses interrogations. Ce dernier va par la suite se voir confier la mission de retrouver les deux déserteurs, aidé en cela par les Turks... Le point de départ d'une aventure longue et intense, dans laquelle les références aux événements de FFVII se multiplieront au fil des heures de jeu.
Une réalisation splendide au service d'une nostalgie de tous les instants
En vrac, on pourra ainsi revivre les événements de Nibelheim en tant qu'acteur, assister à la rencontre entre Zack et Cloud, connaitre l'histoire de l'Épée Broyeuse, apprendre comment a été créé le bar servant de repère à Avalanche, mais également rencontrer des personnages bien connus parmi lesquels Tifa, Yuffie, Cloud, mais aussi Tseng, Reno, Rude ainsi que Sephiroth... Ce dernier sera d'ailleurs bien différent du monstre froid au regard glacial présent dans le jeu originel. Ici, l'homme à la tignasse blanche est toujours un membre du SOLDAT, adulé par tous et faisant office de modèle pour un Zack en plein apprentissage. Au fil de l'aventure, le joueur vivra la lente déchéance de ce héros en apprenant de manière beaucoup plus travaillée que dans FFVII les raisons l'ayant poussé vers la folie. De même, l'église des taudis fera office de théâtre pour la rencontre entre Zack et une Aerith aussi naïve que lors de sa première apparition dans FFVII, qui noueront au fil des heures de jeu une relation complexe contrariée par les obligations d'un membre du SOLDAT. Une relation qui ne manquera pas de préfigurer la rencontre avec Cloud sept ans plus tard, un homme en lequel la jeune fille retrouvera (et pour cause) la personnalité de son amour perdu. Ce statut de chainon manquant en matière de scénario, Crisis Core le méritera maintes et maintes fois au cours de l'aventure, notamment grâce à une fin épique qui justifie à elle seule l'achat du jeu.
Mais au delà de ça, le soft a également pour atout de permettre au joueur d'arpenter de nouveau des lieux ayant dans l'intervalle bénéficié d'un énorme lifting graphique. Jamais l'église des taudis, Nibelheim, Junon ou Costa del Sol n'auront été aussi splendides. Qu'on se le dise, le titre de Square Enix fait office de véritable démo technique pour la PSP en offrant des graphismes d'une beauté incomparable et octroyant de fait un surplus de charisme non négligeable à des personnages déjà bien dotés dans ce domaine. Pour couronner le tout, les quelques cinématiques en images de synthèse n'ont rien à envier à la référence Advent Children en matière de qualité visuelle! Crisis Core est un jeu splendide à voir, mais également à entendre. Les voix anglaises font montre d'une rare qualité dans le domaine des jeux vidéo, et parviennent avec brio à faire passer les émotions des protagonistes. Les musiques consisteront pour certaines en des remixes de morceaux déjà présents dans FFVII. Ainsi redécouvrira-t-on par exemple avec émotion le thème d'Aerith qui nous rappellera douloureusement la mort de cette dernière dans la cité des anciens... Les musiques inédites ne font hélas, à mon sens, pas montre de la même qualité. J'en veux pour preuve celle associée aux combats qui aurait gagné à être elle aussi conservée depuis FFVII. Mais malgré ces quelques fautes de goût, ce serait faire preuve d'une mauvaise foi certaine que de critiquer le contenant de ce Crisis Core, que ce soit sur le plan visuel ou auditif.
Un gameplay simplifié
En matière de contenu, le constat est cependant un poil plus mitigé, à commencer par un gameplay alternant le bon et le moins bon. Premier point noir : le titre est d'un dirigisme assez affligeant. Oubliez l'immense carte du monde de FFVII et ses multiples endroits à visiter. Dans Crisis Core, le joueur dirige son personnage dans des environnements fermés, consistant en une succession de couloirs. Ici, les combats ne sont pas aléatoires mais se produisent à des endroits précis, le plus souvent modélisés par des zones un poil plus larges qu'à l'accoutumée. De fait, vous saurez exactement lorsqu'un affrontement va vous tomber dessus, et ne pourrez rien faire pour l'éviter. Pire encore : si vous avez le malheur de repasser au même endroit, vous vous ferez de nouveau attaquer. Une chose qui peut être assez frustrante dans certaines situations. Il arrivera ainsi que le combat ne vous fasse reculer, et que vous deviez repasser dans la zone dangereuse pour avancer de nouveau, et de fait vous repayer la même escarmouche!
Lorsque Zack s'aventure dans une telle zone, le mode combat s'enclenche alors et l'interface associée apparaît à l'écran. Exit le tour par tour, c'est bien le temps réel qui est à l'honneur. Selon les matérias équipées, le personnage a ainsi un certain nombre d'actions à sa disposition (attaque, magie, item...) entre lesquelles il peut switcher par une pression sur les deux gâchettes avant de déclencher ladite action via un appui sur la touche X. Trois jauges viennent régir l'utilisation de ces actions : outre les points de vie et de magie que tout le monde connait déjà , les points d'action régiront quant à eux l'utilisation des commandes spéciales associées aux matérias jaunes, mais également l'esquive déclenchable à tout moment par un simple appui sur la touche Carré. Une commande salvatrice qui, en respectant un certain timing, vous permettra d'éviter la plupart des attaques adverses tout en octroyant aux combats un petit surplus de dynamisme et offrant une alternative intéressante à la simple parade (touche triangle) qui réduira quant à elle sensiblement les dommages subis.
La pierre angulaire du système de combat n'est cependant autre que le système d'OCN (ondes cérébrales numériques) qui se substitue aux limites présentes dans FFVII. De manière permanente, une sorte de « machine à sous » mettant en scène des chiffres et des visages (appartenant à des personnages préalablement rencontrés) tourne dans le coin supérieur gauche de l'écran. Les chiffres permettent, selon certaines combinaisons, d'obtenir des bonus limités dans le temps au cours du combat. Par exemple, aligner trois 7 vous offrira une invincibilité (référence amusante à l'astuce « tous les 7 portent bonheur » de FF7). Vous pourrez également utiliser de la magie sans puiser dans vos MP, il sera alors vivement recommandé d'en profiter au maximum en lançant vos sorts les plus puissants avant que le bonus ne prenne fin. Dans le cas où deux visages identiques seraient alignés, le jeu passe en « Modulation ». La roulette se retrouve alors en plein écran et, si un troisième visage identique est affiché, permet le déclenchement de la limite associée à ce personnage et souvent dévastatrice. Il pourra également arriver que l'OCN passe en mode invocation, et fasse alors appel à l'une des chimères associées aux matérias en possession du joueur. De même, certains personnages spéciaux comme des Tomberrys, Chocobos ou autres Pampas, pourront s'inviter à la fête et venir vous prêter main forte. A noter également que des flashbacks se déclencheront parfois, augmentant de manière assez significative les chances d'aligner les trois mêmes visages. Sachez enfin que réussir cet alignement augmentera vos points de magie, de vie et d'action, parfois même au delà de leur limite théorique. Un bon moyen de faire le plein d'atouts avant un affrontement compliqué contre un boss...
Les chiffres, quant à eux, permettent pendant ces phases de modulation d'augmenter les différents levels. Par exemple, Zack gagnera un niveau en alignant trois 7, tandis qu'aligner deux chiffres identiques permettra d'augmenter le niveau de la matéria équipée dans le logement correspondant. Ainsi, chaque matéria dispose de cinq niveaux, et une fois le plus élevé atteint, elle offre un bonus sur les stats du personnage en augmentant par exemple sa résistance. Si ce système d'OCN peut paraître intéressant de prime abord, il est cependant soumis à un défaut de taille : vous n'aurez AUCUN moyen d'interagir avec lui! De fait, l'issue de certains combats (notamment contre les boss) est souvent plus tributaire de votre chance que d'une réelle maitrise de votre part, une limite se déclenchant étant souvent le facteur premier de la défaite de l'adversaire. Cet aspect aléatoire sera omniprésent dans chaque combat. Il arrivera ainsi que des monstres surpuissants ne possèdent une attaque du même acabit, susceptible de vous tuer en un ou deux coups. Celle ci, déclenchant une cinématique, sera de fait imparable! Vous devrez alors vous en remettre à votre bonne étoile, en espérant survivre au premier coup et surtout pouvoir vous soigner avant que le bougre ne récidive!
En ce qui concerne le menu principal, on peut considérer ce dernier comme une version simplifiée de celui présent dans FFVII. Désormais, les gestions des matérias et des items équipés sont regroupées dans l'écran d'équipement. L'arme est fixe, et il est uniquement possible d'équiper deux items prodiguant des bonus en combat (résistance accrue, HP plus importants...) ainsi qu'un certain nombre de matérias. Le nombre de ces dernières n'est désormais plus sujet à la nature des armes ou armures, et est par conséquent le même pendant la majeure partie du jeu. De quatre en début d'aventure, il passe à six jusqu'au terme de celle-ce lorsque Zack est promu 1ère classe du SOLDAT. Le menu permet également d'accéder aux différentes boutiques préalablement débloquées. En effet, il n'est désormais plus nécessaire d'aller visiter ces dernières pour acquérir des items, la procédure se faisant par Internet. On aimera ou non, je trouve pour ma part qu'un tel parti pris nuit grandement à l'immersion : quel plaisir de débarquer dans un nouveau village, et de faire une descente dans l'item shop locale afin de dépenser ses gils durement gagnés dans des armes surpuissantes! Puisque l'on parle du web, sachez que vous recevrez régulièrement des mails de la part de différents personnages. Tantôt didacticiels, tantôt purs délires, ils auront le mérite de ne jamais être pénibles à lire et d'apporter un petit plus au background du soft.
L'aspect le plus inédit de ce menu principal réside néanmoins dans la fusion de matérias. Il est en effet possible, à partir d'un certain moment du jeu, de fusionner deux matérias ensemble pour en obtenir une troisième différente. Les résultats peuvent parfois être surprenants, à fortiori si vous ajoutez à votre mélange l'un des nombreux items pouvant être inclus dans ces fusions et octroyant des bonus supplémentaires en combat au porteur de la matéria ainsi créée. Cette feature unique, particulièrement bien trouvée, représente à mon sens l'ajout le plus marquant du soft en comparaison de FFVII qui surclasse son petit frère dans tous les autres points. Quid des combos de matérias, des stratégies de groupe en combat? Ici, la gestion largement simplifiée de tous ces facteurs tend à faire croire que les développeurs ont souhaité s'adresser à un public moins averti, et non aux fans de FFVII qui auraient apprécié une plus grande profondeur dans ce gameplay se rapprochant plus de celui d'un beat'em all avec quelques éléments de RPG que d'une véritable maniabilité comme on en voyait dans les jeux phares de Squaresoft au cours des années 90...
Pour finir sur ce menu principal, sachez qu'il vous donnera l'accès à des missions facultatives sélectionnables à chaque point de sauvegarde. Disons le tout net : ces dernières sont une lame à double tranchant. D'un côté, elles ont pour avantage de tripler une durée de vie qui passe d'une grosse quinzaine d'heure (pour peu que l'on ne s'attarde que sur l'aventure principale) à quasiment une cinquantaine si l'on décide de terminer chacune des 300 missions annexes. Une telle démarche sera indispensable afin de débloquer certains items rares parmi lesquels les fameuses matérias d'invocation, et accessoirement pour se simplifier la vie en faisant du level up. Mais cette longévité apparaît finalement bien artificielle, compte tenu de l'aspect horriblement répétitif des-dites missions. Ces dernières ne consisteront en effet qu'à nettoyer les zones, pour finalement se retrouver face à un pseudo boss qui une fois défait vous octroiera le bonus convoité. Pire encore : vous n'arpenterez au final guère plus d'une demi-douzaine de zones différentes au cours des trois cent missions à réaliser! La carte sera identique, et la seule nuance entre les niveaux viendra de « clôtures virtuelles » disposées afin de vous empêcher d'explorer la totalité de la zone. Finalement, bien peu auront le courage de terminer le jeu à 100%, et j'ai pour ma part abandonné au cinquième de ce total, lassé de parcourir encore et encore les mêmes décors, en affrontant les mêmes ennemis.
Car pour ne rien arranger, le bestiaire de Crisis Core pâtit lui aussi de ce flagrant manque de variété et l'on ne rencontrera qu'un panel très limité de monstres au fil de l'aventure. Une solution de facilité péniblement (et partiellement) justifiée scénaristiquement parlant par une sombre histoire de clonage, mais qui fait tâche quand on compare le soft à son grand frère pourtant sorti dix ans auparavant et jouissant d'une richesse infiniment plus grande à ce niveau. Quelques mini-jeux viendront bien vainement tenter de rompre la monotonie, en permettant par exemple à Zack de dégommer des robots au fusil à lunette, ou de se livrer à un duel de génuflexions. Mais ces quelques originalités ne pèsent pas bien lourd face à la monotonie de ces missions secondaires qui ont en outre pour effet de totalement casser la cohérence scénaristique de l'ensemble en interrompant constamment le déroulement de la trame principale.
Produire un jugement de valeur totalement objectif pour ce Crisis Core me semble assez difficile, voire même totalement impossible. Je vais donc me contenter de vous livrer le sentiment d'un fan hardcore de Final Fantasy VII, capable de bloquer le compteur de temps de ce dernier à 99 heures et 59 minutes, de faire buguer l'affichage à cause d'une trop grande quantité de gils dépassant du cadre prévu à cet effet, ou encore de concevoir une soluce complète en notant toutes les astuces découvertes dans un classeur hélas disparu depuis. Mon sentiment envers ce jeu? A la fois déçu et conquis. Déçu car Crisis Core, en étant aux antipodes de son ainé en matière de système de jeu, représente tout ce que je déteste dans un RPG : linéarité, répétitivité, accessibilité... Conquis, parce que le scénario et l'univers contenus dans ce petit UMD sont un véritable concentré d'émotion pour celui ayant passé autant de temps sur FFVII il y a maintenant dix ans. Je laisse donc le verdict à l'appréciation de chacun, mais sachez cependant qu'un fan des aventures de Cloud sera immanquablement touché par cette aventure qui se conclura de manière magistrale par la cinématique d'intro du jeu originel, dotée pour l'occasion de graphismes dignes d'Advent Children. Pour le rétrogamer averti, en revanche, Crisis Core ne représentera que peu d'intérêt : en se plaçant à l'opposé d'un jeu de rôle résolument old school comme FFVII, il se démarque par extension clairement du RPG Nippon traditionnel...


Article publié le 20/04/2012



























