[Rétrovalue]Alan Wake
Intéressant pour les rétrogamers?
Un article en rapport avec la saga Alan Wake
Un article de Tanuki
Que reste-t-il de nos amours, amis fans de survival ? Pas grand-chose serais-je tenté de dire mais en même temps nous autres fans de frissons et de situations désespérées ne fûmes jamais totalement abreuvés. Aussi quand il sort un nouveau titre estampillé horreur nous dépêchons-nous de nous le procurer et d’en espérer autant de bonnes surprises que ses ancêtres avant lui ont pu nous en donner!
Ça tombe bien, après des années de développement, voila qu’Alan Wake finit par sortir sur consoles next Gen. Vous le savez, ici pas question de test de jeu récent, par contre nous pouvons en parler dans une thématique rétro. C’est ce que je m’en vais faire de ce pas en tentant quelques analyses et comparaisons. Je précise que cet article ne juge pas de la qualité d’Alan Wake mais du degré de satisfaction qu’il est susceptible d’apporter au retro-gamers.
Comme d’habitude avertissement : Ne lisez pas cet article avant d’avoir terminé le jeu en question
Je vous passerai le scénario car ce n’est pas ce qui nous importe ici mais bien les sensations, les visuels, la façon de nous perdre dans l’univers proposé et surtout de nous donner envie d’y rester et d’en faire une référence.
Rappelons quand même brièvement de quoi il retourne ! Alan Wake, écrivain de renom, part en vacances avec sa femme dans une petite bourgade paumée des États-Unis. Un petit coin tranquille censé permettre à notre artiste de retrouver l’inspiration perdue. Tout irait pour le mieux dans ce coin de paradis verdoyant si bien entendu des évènements tragiques et surtout surnaturels ne venaient y semer la confusion et le désordre. Alan Wake se retrouve ainsi très vite tantôt « chasseur », tantôt « chassé », à la recherche de sa femme et fuyant une autorité du FBI plutôt dangereuse et dérangée. Pour poursuivre ses objectifs et échapper à la fois à ses poursuivants humains et « démoniaques », notre Stephen King du jeu vidéo aura à sa disposition : la course, le saut, une lampe torche, trois armes à main et quelques « munitions » produisant de la lumière.
Les premiers instants de jeu font irrémédiablement penser à la série Silent Hill. Ici point de laboratoire, pas de manoir, pas de prison, juste une ville et ses alentours. Alentours qui se révèleront surtout être forestiers. On pénètre dans cette ville d’apparence anodine, pourtant on sent que quelque chose se trame. Il faut dire que tout est mis en place très vite. Le joueur ne reste pas longtemps dans l’expectative, une vieille et inquiétante femme venant faire son entrée très tôt dans le jeu. A partir de ce moment, avec le recul, je pense qu’on peut considérer que le jeu se gâte au niveau immersif ! Comparons quelque peu avec d’autres jeux directement immersifs comme Resident Evil ou Silent Hill. Dans l’un, l’action prime, l’équipe des S.T.A.R.S. est pourchassée par des chiens et trouve refuge dans un manoir qui semble vide. Elle se sépare et cherche à comprendre ce qui se trame. Dans l’autre, un père, perdu dans une ville recouverte d’un brouillard dense, cherche sa fille et se retrouve rapidement confronté à l’étrange. La différence entre Alan Wake d’un côté et nos deux jeux de l’autre tient au désir des développeurs de préserver un mystère sans quoi bien mince. Resident Evil et Silent Hill confrontent le joueur à une action directe mais aux tenants obscurs, là où le jeu de Remedy donne d’emblée des réponses à un joueur spectateur. Car il faudra encore quelques longues minutes avant que n’intervienne le jeu à proprement parler. On peut considérer, c’est ce que je fais pour ma part, que présenter un personnage aussi important que cette vieille femme d’emblée est une mauvaise chose. Cela semble être un trait commun à beaucoup de jeux actuellement. La next-gen rendrait-elle impatient ? Le mystère doit se construire peu à peu il me semble, pas révéler sa source brutalement. Même si ce n’est là qu’un détail, je pense qu’il est révélateur d’un certain oubli de la part des créateurs du jeu, oubli-défaut qui se voudra récurent et que je définis comme un côté trop « brut de décoffrage ». Cela s’estompe très nettement côté scénario même si sa progression ne requiert finalement que peu voire pas du tout d’initiative de notre part mais demeure implacable côté gameplay.
Je le disais plus haut, le jeu commence réellement une fois le chalet de nos tourtereaux atteint. La tranquillité qu’inspirent les lieux ne restera pas longtemps notre pain, l’action s’en suivra bien vite. Cette transition rappelle des jeux comme Condemned ou The Suffering dans une certaine mesure mais c’est surtout la façon de suggérer les ténèbres qui les rappelle à notre bon souvenir. Nous passons en effet notre temps à partir de ce moment à divaguer de droite à gauche en nous débarrassant, quand cela est nécessaire, d’ennemis tout droit issus des cauchemars des créateurs. Le joueur comprendra très rapidement ce qu’il doit faire étant donné le dirigisme totalement volontaire de notre titre. D’une part les objectifs, ou micro-objectifs devrais-je dire vu qu’ils s’agit la plupart du temps de simplement rejoindre un point parfaitement annoncé ou d’activer un quelconque objet, sont clairement indiqués, tant par Alan que par un « sous-titre » situé en haut à gauche de l’écran, sous une sorte de boussole permettant d’un coup d’œil de savoir dans quelle direction se diriger. Cette boussole à elle seule est à mille lieux de fournir à ce titre une optique rétro et même survival si j’osais le dire! Ces deux indications nuisent totalement au gameplay et font sombrer le jeu dans l’abîme des jeux actuels calibrés pour la simplicité et le tout public ! Un survival, et un jeu se voulant rétro ne peut décemment pas orienter le joueur comme il le fait. Le plaisir de chacun est justement de nous perdre et de nous offrir une difficulté, pas forcément insurmontable d’ailleurs, basée sur la nécessité de persévérer, de se repérer, de prendre mentalement des notes, d’observer… de réfléchir en un sens ! Là , Alan Wake nous dit tout, ne craignez pas de chauffer vos deux neurones fans de télé réalité ! Ce jeu est pour vous…ou pas !
Nous pouvons certainement trouver là une explication du succès relatif d’Alan Wake. Passé le marketing certainement trop peu appliqué, il faut voir que Remedy s’est assis « le cul entre deux chaises » ! D’une part il a cherché à offrir un jeu sombre, à la tendance horrifique, ou plutôt surnaturelle affirmée tout en faisant du gameplay de son jeu un gameplay de jeu d’action. Les fans d’horreur et de survival, fans souvent de déambulations et tensions, ne se sont pas retrouvés dans ce titre à l’action importante et les autres, ceux pour qui ce genre de jeu n’est pas une évidence n’y ont rien vu d’autre qu’un titre lambda. Le grand public à son tour pouvait bouder cet amalgame un peu « bâtard » de genres jamais totalement assumés, tantôt trop « prise de tête », alambiqué d’un scénario et de situations qui les empêcheraient de trouver un plaisir immédiat et pas suffisamment défoulant pour que l’action puisse contrebalancer cet état de fait.
Je parlais d’amalgame de genres car je sais que c’est un argument qu’on pourra opposer à mon analyse. On me dira que ce jeu n’est simplement pas un survival et j’acquiescerai sans broncher ! Mais s’il n’est pas de cette catégorie, à laquelle appartient-il alors ? Au genre action ? Pourquoi pas ! De toute façon nous rejoignons ce que je disais à propos de l’action trop peu soutenue pour intéresser. Grosso modo, ce jeu ne consiste qu’en une série de ralliements de points, entrecoupés de phases de défense. Qu’il s’agisse des orientations ou des fusillades, rien ne donne à ce titre ses lettres de noblesse en tant que jeu d’action. Les orientations, nous l’avons vu ne consistent en rien, tout juste à suivre un chemin en forêt ou dans quelques rares passages en terrains plus « civilisés » (scierie, ville, barrage…) tout en récupérant au passage quelques objets et en empruntant ici une échelle, là un pont d’arbres abattus… Il n’y a aucune chance de se perdre, aucune raison d’hésiter, le chemin est tracé, tout au plus est-il possible de s’éloigner des pistes qui sillonnent l’environnement pour contourner derrière quelques arbres. Ne me rappelez pas à l’ordre, je sais, c’est un jeu d’action ! C’est bien pourquoi je peux comprendre qu’une lumière située plus ou moins loin nous indique toujours de manière explicite où regarder pour continuer l’aventure.
J’en reviens donc à la partie purement « destruction de monstres » ! Le concept est simple. Une petite scène rapide nous montre qu’un ou plusieurs assaillants se sont approchés. A partir de là il ne nous reste plus qu’à les éclairer de notre lampe torche ou d’un quelconque objet produisant de la lumière jusqu’à ce que leur invulnérabilité soit ôtée et que nous puissions les abattre de coups de feu bien placés. L’idée est bonne… en théorie… car là encore le tout est sans saveur et ne peut en aucun cas prétendre être l’héritier de générations de jeux avant lui. Quand la puissance des consoles et la mémoire dans les cartouches ne permettaient que d’offrir des jeux à la répétitivité certaine, les développeurs savaient offrir moult subterfuges pour nous divertir : patterns d’animation, points faibles, déplacements variés etc ! Regardez Resident Evil, comble de la répétition et frère siamois d’Alan Wake finalement dans le concept : les créatures varient en aspect, en nombre, en force, en mouvements. Rien de tout cela n’est présent dans Alan Wake. Qu’on ne me dise pas qu’un bulldozer possédé est une variation du bestiaire ! Il le serait s’il faisait autre chose que faire ce que fait le reste du bestiaire justement !
En dehors de la répétitivité qu’on nous inflige, affirmons qu’Alan Wake ne cherche pas non plus à nous offrir un challenge. J’avoue n’avoir joué qu’en mode normal mais ce mode est celui prévu par les développeurs et il reste pour moi le parfait représentant de ce qu’ils souhaitaient transmettre. Dans ce mode les munitions sont légion, les armes, qu’on nous enlève pour nous les rendre cinquante mètres plus loin, sont sans grand intérêt, fusil de chasse, carabine, fusil à pompe, même combat, j’ai plus l’impression d’échanger l’un contre l’autre par habitude que par perception d’une réelle différence d’efficacité. Le lance fusée éclairante, le pistolet et les munitions à main ne sont jamais véritablement utiles, on s’en sert mais on pourrait faire sans. Les échanges de coups sont soporifiques, nul besoin de se cacher, nul besoin de véritablement viser (une aide à la visée semble bien présente), nul besoin de chercher à se servir du décor, de toute façon les environnements « utiles » sont trop peu nombreux. Si Alan Wake est un jeu d’action, c’en est un mauvais ! Le comparer à ses prédécesseurs tournant sur des consoles obsolètes serait clairement un affront pour ces derniers. Je pense qu’il faut plutôt chercher du côté Resident Evil 5 ou de la saga Uncharted mais là aussi nous parlons de comparaisons entre le jour et la nuit ! Pourquoi critique t-on le dernier Resident Evil ? Parce qu’il trahit la saga ? Pas plus que Resident Evil 4. Il est certainement plus mou et moins survival, bref il verse plus dans l’action ! L’argument se défend pour Alan Wake ? Il se défendra pour ce Resident Evil là  ! L’action y est lente et répétitive ? Idem encore une fois. La différence avec Alan Wake, c’est qu’au moins on y joue, on ne se contente pas de passer le temps entre deux scènes cinématiques en divaguant entre des arbres. Uncharted est mentionné ! C’est bien parce qu’on y tire et qu’on s’y oriente car la comparaison s’arrête là .
Bref, cessons là la discussion sur le côté action d’Alan Wake, pour ma part ce jeu ne vaut pas plus qu’un 5 sur 20 tant les défauts sont présents. Mais que reste t-il alors qui puisse plaire aux joueurs retro-gamers ? Et bien contre toute attente : le scénario et la mise en abime !
Quand je parle scénario je ne sous-entends pas forcément son ampleur ni sa structure, bien au contraire. Celles-ci joueraient bien un rôle dans le plaisir mais plutôt par le fait qu’elles perdent le joueur en route dans le sens où ce dernier se pose des questions !
J’avais déjà , dans un précédent article, convenu que le retro-gaming avait cela de spécial qu’il laissait une part de non dit. Part que le joueur pouvait être libre d’imaginer, d’interpréter, d’extrapoler. C’est en quelque sorte ce que fait Alan Wake. Pas obligatoirement volontairement, peut-être surtout par son côté « décousu » et les représentations graphiques de la folie, des ténèbres, du doute.
Le périple de notre romancier nous donnera l’occasion de voir plusieurs événements surnaturels, de visionner plusieurs émissions de télé mettant en scène notre héros ou une série clone de Twilight Zone, de lire des pages d’un hypothétique roman source des dits évènements. Ce sont ces éléments, couplés à des lieux clefs dans lesquels nous n’agissons pas ou peu mais dont nous sommes spectateurs (et j’insiste sur cette subtilité, car il s’agit tout bonnement de scènes plus ou moins cinématiques, en aucun cas des environnements « jouables »), qui donnent une forme de style rétro au jeu. Il nous faut nous poser des questions, nous souvenir, interpréter et tout remettre en cause. Les diffusions de la Zone X par exemple, l’émission de science fiction, semblent anodines et pourtant elles parlent de réalités alternatives, de miroirs, de créations tendant vers la suffisance de contenu ou non. Le joueur ne peut que se souvenir des moments passés sur les célèbres Silent Hill, surtout le volume 2 où l’interprétation était reine et finalement part entière du gameplay et du plaisir. Alan Wake peut donc parler aux « anciens » qui regrettent le temps où l’imagination était titillée par les « manques » graphiques ou scénaristiques. Il ne faut cependant pas se leurrer ! Si cette part de « laissé en suspend » est bien présente, elle ne l’est que pour d’autres raisons : une éventuelle suite, un simple désir de faire dans l’obscur, peut-être même un manque de maîtrise. Rien n’a été fait pour parler aux joueurs avertis en quête d’une dose de retro-gaming. La seule présence d’une mince couche de mystère prompte à laisser s’échauffer les imaginations ne peut suffire à rassasier notre populace ! Il suffit pour s’en convaincre de comparer les paragraphes de cet article pour voir la finesse de ce qui peut jouer en leur faveur.
En un mot comme en cent, Alan Wake peut-il être apprécié des retro-gamers recherchant l’esprit retro-gaming ? Non (ou très peu)!
Article publié le 08/03/2011
Les commentaires pour cet article avant le 23 février 2014
Posté par Tanuki le 10/03/2011
Je re-confirme m'être amusé avec ce titre mais objectivement, comparé aux jeux anciens ou modernes, pour moi c'est plus qu'une régression, c'est un retour aux films interactifs ^^ Par contre je précise que ce n'est pas un test, c'est un petit article pour éventuellement orienter le retrogamer.
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Posté par Géo. le 09/03/2011
Ha oui, je confirme qu'on n'est pas du même avis :D
Mettre un 5/20 est normal si on compare ce jeu au retrogaming. Mais dans ce cas, faut le faire avec 90% des jeux récents.
Pour ma part et comme marqué sur Megatest, j'ai vraiment apprécié ce jeu. Pour moi, sans chercher la perfection, il est vraiment plaisant à faire, avec une ambiance du tonnerre, une jouabilité simple, sans avoir 3 tonnes de boutons.
Géo.
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