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Recherche Avancée

Complement au Making of Castlevania Sancti Biblia

Aujourd’hui, petit article en forme d’explication, et complémentaire de notre Making-of dédié à Castlevania Sancti Biblia, notre premier livre.

J’expliquai pas mal de choses, anecdotes de création, incidents de parcours, choix et autres joyeusetés dans ce making-of mais j’ai décidé d’y ajouter un complément au vu de certaines réactions ou conseils reçus depuis l’édition effective du livre. Qu’on ne considère pas ce texte comme une justification vouée à excuser nos erreurs ou comme un pamphlet contre ceux qui auront réagi à notre publication. Après tout, tous les goûts sont dans la nature et rappelons que question mise en page et PAO, je ne suis qu’un amateur ayant débuté avec ce livre.

J’aimerais donc reprendre quelques commentaires souvent lus ou entendus et concernant notre « bible ».


Le plus récurrent est sans doute celui ayant trait aux pages de screenshots de la section abordant tous les jeux de la saga Castlevania, autrement dit, les pages impaires du chapitre s’étalant de la page 25 à la page 155. Les critiques les plus souvent entendues concernent l’esthétisme de ces pages et la taille réduite des vignettes. Le premier aspect justifiant ces pages est d’ordre purement technique. Nous voulions que notre « bible » en soit vraiment une et pour ce faire, garder une trace des environnements de jeu, des graphismes et des déroulements scéniques de chaque épisode nous semblait primordial. Si vous observez bien les pages « fautives », vous remarquerez qu’elles affichent toujours le début du jeu, une succession de niveaux choisis en fonction de leurs coloris, représentations intrinsèques et la séquence finale de l’épisode abordé. Il fallait faire un choix crucial à propos de ces screenshots. Moins mais plus gros, ou beaucoup mais de taille réduite. Nous aurions pu faire plus de pages, mais la maquette en aurait pris un coup et le prix de vente un « coût » également. Pour rester dans le raisonnable financièrement parlant et dans le techniquement réalisable, nous avons opté pour des screenshots nombreux, quitte à les voir un peu réduits en dimension. Au final, lorsque cela était possible (pour une grande majorité de titres donc), nous avons disposé vingt-quatre miniatures sur les pages que j’appelle « vitraux ». Il me semble que l’ensemble reste lisible, la définition de ces images étant tout de même de 150ppp.

Pour ce qui est de l’aspect esthétique, je viens d’employer le terme de « vitraux », ce n’est pas sans raison. Si vous observez avec un peu de recul les pages disposant de vingt-quatre illustrations, vous devriez avoir une vue en mosaïque globale, assemblage de couleurs d’un côté et « cassage de formes » de l’autre (par les différences de hauteur entre les colonnes). Ceci est très subtil et ne saute pas aux yeux mais ma volonté première était de trouver un compromis entre notre désir d’afficher beaucoup de matériel visuel sur cette page, de conserver un certain esthétisme et de s’accorder avec la thématique livre ancien que nous voulions imprimer à l’ouvrage. Le résultat n’est sans doute pas aussi pertinent que nous l’aurions souhaité mais après avoir essayé de trouver le meilleur arrangement possible entre nos trois contraintes, je pense qu’on peut être assez satisfait.

A mon sens le plus gros problème concernant la critique esthétique de cette page est issu d’un problème plus global, concernant le livre dans son entier : la difficulté à y voir une tentative de copie d’un livre ancien. Et là, toute la faute nous revient très certainement, « me revient  très certainement » même devrais-je dire puisque j’en suis entièrement coupable. Je n’ai sans doute pas réussi à imprimer à l’ensemble un aspect ancien immédiatement remarquable. Si vous avez déjà lu notre making of et une interview présente dans le dernier numéro de la revue « Revival », vous savez que je disais avoir eu quelques regrets sur la mise en page. Au début, je voulais véritablement reconstituer une sorte de Codex ou de livre à l’aspect moyenâgeux. J’ai malheureusement dû abandonner pas mal d’idées faute de place surtout. Ainsi, le livre devait être plus graphique, avec l’utilisation de véritables lettrines de grande taille, des enluminures et autres illustrations mises en valeur via des cadres par exemple. Il reste de tout ceci une mise en page qui s’inspire des livres très anciens mais qui tente également de conserver de la place pour le corps du sujet.

On pouvait lire dans une critique de notre ouvrage que le tout était austère. Ceci est justement un manque d’appréciation de ce côté livre ancien que nous voulions obtenir. Les livres moyenâgeux, les bibles, les codex, les recueils et autres écrits monastiques (représentant plus de 90% des ouvrages d’époque) avaient tous ce point commun d’être austères ! Notre livre traitant de Dracula, du monde des ténèbres, de magie, de démons, de mysticisme, il nous semblait approprié de donner une telle tournure à l’ensemble. Ceci se sera révélé par trois points principaux. Le premier était la « fantaisie » restreinte. C'est-à-dire que nous avons utilisé les couleurs des boites et des illustrations diverses pour illuminer et égayer le tout, sans chercher à utiliser d’autres procédés, plus extravagants. Il nous semblait également que vu les milliers d’images que les pages comportaient, il aurait été superflu et inesthétique d’en ajouter encore. Le second point, critiqué par l’article mentionnant notre austérité, était la densité de l’ensemble. Cette densité n’était plus à faire du point de vue du contenu. Des dizaines de milliers de mots, des milliers d’images. Nous avons par contre voulu que la masse informative trouve un répondant de masse structurelle. Le grammage du papier, 170 grammes, est donc tout naturellement apparu comme le meilleur possible. Ceci nous garantissait une lourdeur, une épaisseur et une solidité pour l’ensemble, qu’une économie de quelques dizaines d’Euros sur le tirage total n’aurait pas vraiment rentabilisée. Ni pour nous, ni pour l’acheteur.

J’ai récemment reçu les conseils d’un lecteur apparemment au fait des règles de typographie et imprimerie qui me faisait part de petites erreurs commises dans ma mise en page. Si j’agrée avec chacune de ses remarques, je pense qu’à refaire je poursuivrais dans la même voie. Je retranscris ici ses propos.

- Sur la couverture et la tranche : attention aux écritures verticales, c'est à proscrire en typographie. C'est surtout utilisé sur des panneaux d'affichage et enseignes lumineuses.

Je suis d’accord qu’il est rare de trouver des livres utilisant une écriture verticale sur le dos (que notre ami appelle tranche ici). Pourtant je possède moi-même plusieurs centaines de livres et un certain nombre (dérisoire, certes, et certainement tous japonais mais inscrivant leur titre en alphabet latin) affichent les mots de façon verticale sur le dos. Pourquoi cela ne se fait-il normalement pas ? Je n’en ai aucune idée et Internet ne me répond pas à ce sujet. Il semble que ce soit une règle, mais pas absolue. Pour l’écriture d’un titre long, cela vaut sans doute mieux mais pour un mot de onze lettres comme Castlevania, il me semblait que ça ne poserait pas de problème. Mais la véritable raison de l’écriture verticale sur notre livre, que nous réutiliserons sur le prochain pour ne pas rompre « l’harmonie » de notre collection de livres une fois rangés sur une étagère, c’est qu’après recherche, un certain nombre d’ouvrages anciens utilisaient cette façon de faire. Encore une fois, ceci était un comportement minoritaire mais puisque ledit comportement existait, pourquoi ne pas l’imiter ? Nous pourrions rétorquer que la pratique est désuète. Tant mieux alors puisqu’encore une fois notre livre voulait avoir un style très ancien. Enfin, concernant ce point, j’ai moi-même horreur de cette norme qui veut qu’on doive pencher la tête pour lire le titre de nos ouvrages une fois posés verticalement dans nos rayonnages. Du coup, je n’ai pas hésité longtemps avant d’opter pour cette méthode « proscrite ».

La typographie gothique ne doit pas s'utiliser en majuscule pour l'écriture de mots tout entiers ("Castlevania" sur la couverture), le dessin des lettres majuscules gothiques n'est pas assez lisible et ne le permet pas.

Encore une fois, notre volonté était de faire ancien mais aussi de nous accorder au thème. Le titre Castlevania et dans une moindre mesure le « Sancti Biblia » sont effectivement difficilement lisibles. D’une part parce que l’un est inscrit verticalement et d’autre part parce que les polices sont très particulières. Pourtant, deux choses m’ont mené à inscrire les titres ainsi. Reculez la couverture de votre visage et concentrez-vous sur la police gothique. N’avez-vous pas l’impression d’y voir comme des runes ou des caractères magiques/mystiques ? Et le rouge ne fait-il pas ressortir cet aspect, évoquant subtilement la couleur du sang (en rapport avec les vampires ?). La réédition intervertit les couleurs mais la croix sous le titre relève de la même approche. Si j’osais, je dirais que peu importe la lisibilité de l’ensemble puisque le possesseur de l’objet sait pertinemment de quoi il retourne et que celui qui ne connaît pas pourra être amené à s’y intéresser par la curiosité que la couverture et les polices auront justement éveillée chez lui ! C’est aussi la raison pour laquelle le griffon remplace les plus connus Dracula ou membres de la famille Belmont. La préface de l’édition originale, beaucoup plus explicite au sujet de la couverture que la réédition, expliquait assez bien le choix de cette créature, me semble-t-il.

Plus de marge à l'extérieur du texte permettrait d'aérer la mise en page : il est par exemple "recommandé" d'utiliser le nombre d'or pour calculer les marges d'une mise en page.

Certes, aérer le texte aurait été un plus pour le confort mais ceci contredisait notre volonté de densité et d’austérité d’une part et nous aurait demandé au moins cinquante pages en plus (j’avais en effet fait le calcul avec des marges d’un centimètre tout comme j’avais estimé à plus de 600 pages le résultat final en cas de maquettage initial avec enluminures etc). Notre prochain ouvrage, par contre, utilisera des marges plus conséquentes puisque pour ce dernier nous prévoyons deux tomes et que l’austérité n’est plus un paramètre à prendre en considération.

- Le texte courant gagnerait en lisibilité à utiliser une typographie plus "classique". La police d'écriture choisie est de type "fantaisiste" ce qui n'est pas recommandé pour l'utilisation dans des textes longs, mais plutôt à réserver pour des textes de titrage.

Nous en revenons aux points déjà abordés plus haut concernant l’imitation de textes anciens. Étant manuscrits, ces textes étaient difficiles à lire et tracés avec un choix calligraphique qui laissait une place importante à la forme. Il était hors de question d’utiliser une police manuscrite, nous nous serions fait lyncher sur place ^^ et à force de vouloir imiter ou se distinguer on finit par tomber dans le m’as-tu vu. Par contre, utiliser une police classique ou moins « fantaisiste » aurait diminué l’impact visuel des pages. J’ai donc tenté de faire au mieux encore une fois pour répondre aux exigences de lisibilité et de « graphismes ». Si vous observez une page attentivement, la page 224 par exemple, vous verrez que les majuscules des mots se distinguent nettement du corps du texte. Ceci répondait aux lettrines « miniatures » des débuts de paragraphes et ponctuait les pages d’espèces de « taches d’encre » ou de « pattes de mouches » comme vous pouvez en voir sur d’anciens écrits manuscrits.

Pour conclure ce complément de making of, j’aimerais laisser un avis très personnel sur les règles à suivre dans n’importe quel domaine. Je suis bien conscient qu’au moins deux impératifs doivent dominer les créateurs de quelque produit qu’il s’agisse : l’accessibilité et la rentabilité. L’accessibilité, qu’on pourrait voir comme le confort accordé par une facilité d’utilisation mène à une rentabilité théoriquement plus élevée. Il ne peut être que néfaste d’avoir à vendre un produit lorsque trop d’efforts doivent être réalisés par sa cible pour l’apprécier. Pourtant, il me semble que lorsqu’on met au monde une œuvre, ce qui est le cas concernant la Sancti Biblia, non pas parce que nous la considérons comme une œuvre d’art mais parce qu’il s’agit d’un produit de fans avant tout fait pour rendre hommage à une saga culte et à ses admirateurs, il me semble donc que dans ce cas la technique doit servir l’art jusqu’à éventuellement s’effacer ou aller à contre-courant si l’art qui en résulte peut ainsi acquérir une certaine force. Dans le cas de Castlevania, respecter la technique aurait conduit à un produit certainement plus abouti…techniquement et que les professionnels auraient pu regarder sans en rire ou s’en exaspérer mais au fond qu’en serait-il resté ? Un ouvrage plus facile à lire mais sans l’âme de ses créateurs. A force de vouloir rester dans les normes (qui, nous sommes d’accord, ont largement fait leurs preuves) ne risque-t-on pas de tout uniformiser ? On a souvent comparé La Sancti Biblia à des livres de Pix’n Love. Le dieu du jeu vidéo sait que je respecte énormément le travail accompli et que je suis un fan de leurs productions. Pourtant, prenons pour exemple « L’histoire de Sonic », uniquement dans la question de la maquette. Les textes sont aérés, les images remplissent des portions de pages non négligeables, les polices sont standardisées. Mais à mon sens, il ne ressort aucune atmosphère inspirée de Sonic de l’intérieur de ce livre. Je ne parle pas de la couverture mais de la forme interne. Remplacez le texte et les images de Sonic par n’importe quel autre jeu et vous obtenez un livre vendable en l’état. Faites de même avec le nôtre et vous obtiendrez une aberration ! Bref, je conclurai en réitérant mon opinion, qui n’est bien entendu encore une fois qu’une opinion très personnelle et issue de quelqu’un sans connaissances dans le milieu de l’édition : la technique sert l’art, elle n’est pas à égalité avec l’art et si ce dernier peut s’épanouir dans l’originalité, quitte à choquer ou à être vu comme aberrant, pourquoi pas ? Du moment que le fond soit pertinent, pourquoi ne pas oser ?

Ultime remerciement au lecteur Lionel pour ses conseils. Il s’agissait là de critiques constructives et que nous aurions aimé voir apparaître plus souvent dans nos relations avec nos lecteurs.


Tanuki

Les commentaires pour cet article avant le 23 février 2014



Posté par SLAINE le 28/12/2013

Article très intéressant et très pointu. Personnellement je trouve le livre très bien comme il est ;)

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