Allez, hop, Eiwhaz développe.
Je vais citer quelques points des propositions en donnant mon avis, ou en émettant des objections/précisions
"De même, la loi de 2005 met l’accent sur le droit à l’intégration scolaire, ce qu’il n’est pas question de remettre en cause. Son caractère systématique a cependant entraîné de nombreux échecs du fait que cette démarche n’est pas adaptée aux déficients visuels et auditifs, ne pouvant acquérir les techniques fondamentales adaptées à leur handicap en milieu scolaire normal. Ces techniques nécessitent (braille, langue des signes) une pratique quotidienne soutenue. Beaucoup d’élèves handicapés connaissent donc un retard cumulé sur plusieurs années, et ce de manière irréversible"Vous connaissez tous les CLIS (Classe d'Intégration Scolaire). On a tendance à penser que ce sont des classes réservées aux enfants présentant des troubles du comportement et/ou un retard mental. Ce que l'on sait moins, en revanche, c'est qu'il existe différents types de CLIS :
- CLIS 1 : Handicap cognitif/mental
- CLIS 2 : Handicap auditif
- CLIS 3 : Handicap visuel
- CLIS 4 : Handicap moteur
Marine Le Pen a donc omis de préciser que les élèves présentant un handicap auditif ou visuel avaient une autre alternative qu'une intégration en milieu scolaire normal. Certes, on compte peu de CLIS 2 - 3 et 4 (et je pense que l'on devrait proposer une solution !), cela dit, il est important de dire que cela existe. De même, l'intégration d'enfants porteurs de handicaps dans un milieu normalisé est une expérience qui est plutôt positive, et s'il existe forcément des situations d'échecs, il en va de même partout : il faut parfois essayer plusieurs choses avant de trouver l'orientation adéquate pour un enfant. C'est un véritable parcours du combattant, et c'est en cela que les enfants perdent du temps et cumul du retard. Ce n'est pas forcément dû à une inadéquation du milieu normalisé. Enfin, pour l'avoir vu de mes propres yeux, ce problème ne concerne pas forcément les handicaps visuels et auditifs ...
"DĂ©finir clairement le handicap
DĂ©finir enfin les contours du handicap.
Simplifier et clarifier les critères d’appréciation du handicap et de la dépendance, revenir à une déclaration annuelle de ressources"Si jamais je lançais la question ici "comment définiriez vous le handicap", j'aurais des dizaines de réponses totalement différentes. Cela dit, voilà comment est défini le handicap dans la loi de 2005 :
Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant.Il me semble que cela suffit largement, elle balaye tous les champs possibles de handicap (excepté le social, mais j'y reviendrai plus tard), et en explique clairement les conséquences. La loi de 2005 propose aussi une classification du handicap : Moteur, mental, psychique, sensoriel (auditif et visuel) et maladies invalidantes. Si Marine le Pen trouve d'autres "types" de handicap, je serais curieuse de savoir lesquels ... Bref, en gros, cette proposition vise à effacer ce qui a été dit avant, alors que, en toute objectivité, la loi de 2005 définit bien et simplement les choses.
"Détecter et lutter activement contre la maltraitance des personnes handicapées. Ce tabou doit être enfin brisé."Là , je suis plutôt amusée, car il s'agit cette fois ci de savoir ce que l'on entend par maltraitance ... Je peux vous dire que, déjà , dans ma courte carrière, j'ai vu des choses vraiment scandaleuses, mais qui ne sont pas considérées à proprement parler comme maltraitantes (une hygiène des pieds déplorable par exemple ... !). c'est bien beau de dire cela, mais il serait intéressant de voir comment elle développe cette idée. De même, vu que la notion de maltraitance est propre à chacun, cela donnera facilement lieu à des quiproquos et des tensions dans le milieu de l'éducation spécialisée. Pour exemple, je trouve important de ne pas réduire l'usager à son handicap, et de le traiter avant tout comme un enfant/ado/adulte. Je peux donc paraitre dure avec eux, mais c'est simplement que la personne en face de moi est humaine, et ce n'est pas juste un symptôme ambulant. Mais je pense que certains de mes collègues pourraient me dénoncer pour maltraitance, car j'ose secouer les traditions ...
"Se fixer un objectif sur le mandat : mettre en place des centres d’accueil pour les enfants handicapés et être en mesure de permettre le maintien à domicile avec l’aide d’une tierce personne à ceux qui le souhaitent."Heuuu ... comment dire. Cela existe déjà .
Pour l'accueil de jour, on a des dizaines de types d'établissements différents. Le seul problème c'est qu'il n'y en a pas assez. Beaucoup de structures proposent de l'internat, voire un accueil familial spécialisé (placement des usagers en famille d'accueil à la demande des parents/de la famille). Le maintien à domicile existe déjà , et il se généralise de plus en plus. D'abord avec les SESSAD (Service D'Education Spéciale et de Soins à Domicile), mais aussi de plus en plus avec des mesures d'AEMO (Aide Educative en Milieu Ouvert), des AED (Aides Educatives à Domicile) (ces deux dernières étaient à la base spécialisées dans l'aide sociale, mais interviennent souvent dans des familles où le handicap tel qu'il est défini dans la loi de 2005 est très présent), et maintenant, certains établissement proposent des interventions d'éducateurs directement à domicile (je pense par exemple aux structures proposant un accompagnement avec la méthode ABA pour les enfants autistes).
Donc, pour cet objectif, c'est pas dans de mettre en place des centres d'accueil, c'est plutĂ´t d'en ouvrir plus.
"Développer les programmes d’aide aux handicapés via le contact avec les animaux."Là , je trouve ça complètement con. Pourquoi me demanderez vous ...
Qu'un handicapé s'épanouisse au contact des animaux, c'est possible, cela arrive même régulièrement. Cela dit, il s'agit d'une médiation, pas d'un remède miracle. De même, il arrive tout aussi régulièrement que le contact avec les animaux terrorise. Voire même que l'handicapé se sente tellement mal qu'il bloque l'animal et du coup, tout le monde se retrouve en difficulté. Bref, comme je l'ai dit, la médiation par le monde animal est une bonne idée, cela dit, il faut qu'elle fasse l'objet d'une réflexion, et je ne vois pas pourquoi cela intervient comme une proposition dans un programme pour une élection présidentielle.
"Lancer une réflexion avec les acteurs concernés pour une meilleure prise en compte et une meilleure prise en charge de l’autisme : formation des professionnels de santé, accompagnement des parents, aides aux associations, financement adapté, investissement sur la recherche."Effectivement, l'autisme est une maladie qui est mal connue, souvent mal prise en charge parce que mal comprise. Maintenant, la psychose aussi est une maladie terriblement difficile à prendre en charge. Sans parler de la schizophrénie, de l'hystérie, des TOC ... Je suis passablement agacée par tous ces gens qui ne parlent qu'autisme, en occultant tous les autres troubles du comportements qui sont tout aussi handicapants. Il me parait tout aussi nécessaire de faire un colloque sur les autres maladies ! Enfin, l'autisme est un ensemble de troubles, mais il est très changeant, et surtout différent d'un Homme à un autre. On a évidemment recensé des caractéristiques (balancement, stéréotypies, contact difficile avec autrui, non conscience de son propre corps ...), mais tout est à prendre avec beaucoup de recul. Alors oui, travailler sur l'autisme est important, mais il ne faut pas oublier deux choses : il existe d'autres maladies tout aussi graves, et surtout, l'autisme est une maladie avec laquelle les professionnels de la santé et de l'accompagnement travailleront toujours différemment. On pourra passer des milliers d'heures sur le sujet, nous ne trouverons jamais un terrain d'entente parfaite.
"Imposer aux principaux acteurs du Web un standard d’accessibilité pour les malvoyants et les mal entendants en donnant priorité aux entreprises françaises expertes et performantes dans ce domaine."HAHAHAHA ! J'ai bien cherché sur son site pour sa campagne. J'ai pas trouvé d'options d'accessibilité pour les non voyants et les mal entendants ...
Bon, après, il a des choses qui semblent intéressantes dans son programme ... notamment permettre aux familles d'être encadrées et accompagnées de manière plus régulière, d'êtres mieux informés aussi (parce que c'est un bazar l'orientation des handicapés, vous n'avez pas idée !!). Développer le travail en milieu normalisé, en entreprise adaptée ou en ESAT, c'est une bonne chose aussi.
Maintenant, les propositions sont trop light à mon goût.
Ce que j'aurais aimé lire :
- prévenir le handicap, pour ne pas confronter l'enfant et son entourage à de trop grandes difficultés : Détecter le handicap n'est pas évident. Avant de rentrer en maternelle, il est possible de demander à un médecin de faire un certificat d'aptitude à la vie en communauté. Ce certificat n'est malheureusement pas obligatoire. S'il l'était, cela permettrait peut être de repérer certaines choses, et d'éviter la catastrophe lors de la première année de scolarisation : un enfant angoissé parce qu'il n'est pas dans un milieu adapté, une institutrice complètement dépassée qui finit par détester l'enfant, des parents face à la violence de la réalité, qui peuvent vite en vouloir à l'institutrice ...
- Donner plus de moyens aux acteurs du social ! Nous sommes payés une misère, nous n'avons que peu de moyens matériels. Donner des aides aux personnes atteintes de handicap me semble essentiel, mais il est aussi important que le personnel accompagnant ait des conditions de travail correcte. Pour vous dire, un éduc spé, en début de carrière, dépasse que très très rarement les 1300 euros par mois. Nous ne pouvons pas mettre en place grand chose parce qu'on manque toujours d'argent. Et faire des colliers de pâte, ça va 5 minutes ...
- Revoir le contrat d'engagement éducatif de manière cohérente et intelligente. Pour vous résumer les choses : les handicapés ont eux aussi le droit de partir en vacances, et souvent, leurs centres d'accueil à l'année leur proposent des séjours adaptés, encadrés par des animateurs et une direction. Je bosse depuis 4 ans pour la même association, et je rempile pour une direction de séjour cet été. Sauf que : un article du CEE (Contrat d’Engagement Educatif) nous dit que la durée minimum de repos quotidien en séjour de vacances qui doit être de 11 heures consécutives par période de 24 heures. Ce qui est IMPOSSIBLE ! Tous les animateurs le savent, lorsqu'on choisit de partir en séjour adapté, on bosse tout le temps, et on sait qu'on fait la moitié bénévolement. C'est un engagement personnel que l'on fait. (il en est de même pour les colonies de vacances, évidemment, mais j'appuie plus fort sur les séjours adaptés, car ils sont indispensables ; je reçois l'été des vacanciers qui n'ont plus de famille, dont le foyer d'accueil est fermé pendant tout le mois d'aout, et qui ne sont pas capables de se débrouiller seul sans se mettre terriblement en danger). Bref, il me semble important de faire le point sur le CEE, car il devient de plus en plus impossible de travailler correctement !
- Parler de la sexualité des handicapés, en la légalisant officiellement. Vous n'avez pas idée d'à quel point cela pose problème dans une institution.
- Plus de CLIS, de SEGPA et de psychologues scolaires. Ces derniers sont des denrées rares, car pour devenir psy scolaire, il faut avant faire 3 ans d'enseignement (donc passer le concours IUFM et tout !!!). Et les psy scolaire sont indispensables dans les écoles, car ce sont eux qui peuvent faire la passerelle entre le milieu normalisé et le milieu spécialisé. Et ils sont plus à même de repérer les troubles du comportement/du développement.
- Sensibiliser la société dans son entier à ce qu'est le handicap. Pas seulement les familles. Le dédramatiser, en parler de manière claire, et combattre les nombreuses idées reçues sur le milieu. Arrêter de sacraliser les éducs spés, ils ne sauvent pas le monde, il accompagnent des personnes en difficulté !
- Parler du handicap social : nulle part est abordé le sujet de l'ASE (Aide Sociale à l'Enfance), qui accueille, oriente et accompagne les enfants ayant des situations familiales dangereuses. Il y a beaucoup à faire dans ce milieu. J'appelle ça du handicap social, car bien souvent, les enfants placés sont très vite stigmatisés. Et plutôt que de combattre ces stigmates, ils les renforcent en débordant par leurs comportements.
- Faire des contrôles dans les établissements régulièrement, pour repérer les dysfonctionnement les plus graves. J'ai été dans une structure qui a connu 16 démissions en 8 mois, et rien n'a été fait, aucune enquête ni rien. Il faut absolument qu'il y ait une instance qui ait la possibilité de faire des rapports de qualité sur les structures ! Cela existe avec l'évaluation externe, mais ce n'est pas suffisant et souvent bâclé.
Voilà , il est tard et je ne sais plus si j'ai tout abordé, en tout cas, si d'autres choses me viennent en tête, je vous les ferais savoir. Je devais faire un paragraphe sur l'immigration d'après le FN. Mais pas le courage.
J'ai pris le FN pour cible, mais il n'est pas impossible que je le fasse pour les autres partis
![Clin d’oeil ;)](./images/smilies/icon_e_wink.gif)